Reiki et Bouddhisme

Le Reiki et le Bouddhisme

Reiki et Shingon


 

 

Reiki, un héritage du Bouddhisme Shingon ?

Le Shingon est une école bouddhiste japonaise, fondée au 7ème siècle par le moine Kûkaï, qui reçut le titre posthume de Kobo Daishi, le grand instructeur de la Loi. Le nom signifie « parole vraie » ; c’est la traduction japonaise du mot sanscrit « mantra  », qui désigne la formule rituelle mystique en Inde.

Son idéal se résume dans la phrase « Sokushin-Jôboutsu », qui signifie « devenir bouddha dans cette vie avec ce corps ». En purifiant le cœur de ses passions parasites, en cultivant modestie, simplicité, pureté, concentration, le Shingon affirme qu’il devient possible d’exprimer avec naturel notre essence métaphysique, qu’il nomme « bouddhéité ». Le mental calmé, les peurs et les désirs laissés de côté, nous pouvons alors agir et créer avec spontanéité, en accord avec la nature.

Voyons plus avant ce que propose cette tradition bouddhique, pour affirmer ou infirmer une possible influence sur le Reiki.

I. Le Bouddhisme Shingon.

 

Théorie générale du Shingon.

L’enseignement du Shingon se réfère principalement à deux textes sacrés, le Kongôtchô-kyô et le Daïnitchi-kyô, écrits vers le 2ème siècle au monastère de Nalanda dans le Nord de l’Inde. Cette école bouddhiste du « yoga des trois mystères », le « traïguya-yoga », explique qu'il est possible de devenir Bouddha dès cette vie.

Ces enseignements affirment que la nature originelle de la conscience de l’homme est pure : elle constitue le « cœur de compassion », la « bodhi », dont l’essence métaphysique est identique à celle de l’Univers. Si nous souffrons, c’est parce que nous oublions notre source métaphysique commune. Ignorant ce lien, nous nous attachons à ce qui est impermanent dans ce monde de la forme et du désir, chacun concevant ainsi en fonction de sa nature intérieure et non de son essence.

Les passions, regroupées sous le vocable de « triple poisons » (la concupiscence, la colère et l’aveuglement) correspondent à des forces vitales nécessaires à la survie et au développement de tout organisme animal. Elles ne sont pas malsaines en soi : le désir et l’aversion structurent le moi et l’obligent à se perfectionner pour mieux arriver à ses fins matérielles.

Toutefois, durant de nombreuses vies passées, la nécessité de s’affirmer et de défendre notre territoire, malgré et contre les autres, a développé une vision dualiste du monde qui a imprégné la conscience ordinaire de tous les êtres. C’est la principale cause de l’égarement, de la perte d’une perception plus globale de la vie, « l'inscience » ou « nescience » décriée par le Bouddha et à laquelle le Bouddhisme propose de remédier.

C’est pourquoi dans le Shingon, on ne conçoit pas que c’est par l'extinction des passions que peuvent être atteints l’Eveil et l’Illumination spirituels. Ceci laisserait penser qu’il y a de bonnes et de mauvaises tendances dans l’être humain, ce qui aurait pour effet de le dualiser, de « diaboliser » sa sensualité. C’est faux. Il ne s’agit pas de renoncer à tous ses besoins, mais de « spiritualiser » sa vie, par exemple en mangeant avec un sentiment de reconnaissance vis-à-vis des êtres aux dépens desquels nous nous nourrissons. Ainsi, se nourrir devient une pratique spirituelle, parce qu’absorber de la nourriture revient n’en seulement à survivre mais à participer au processus de vie de l’univers.

Si d’un point de vue relatif, il reste exact que les passions sont source d’égarement et de souffrance ; dans le Bouddhisme Shingon, les passions sont considérées en vérité absolue de la même nature que l’Eveil (« soku bodaïshin »). Cette même force vitale, qui anime les êtres vers des désirs mondains qui va être transformée, sublimée par alchimie interne en énergie spirituelle de compassion-sagesse, dont l’essence est la nature ultime de l’univers et de tous les êtres.

Celui qui réalise que le fond de son cœur, « bodhi », est le même que celui de tous les êtres, devient « métaphysique ». Il fait un avec le tout, il dissout son moi mondain dans l’univers comme une goutte d’eau se dissout dans l’océan ; et ainsi il se trouve lui-même. Pour expliquer comment ce qui est métaphysique « produit » le physique, le Bouddhisme Shingonb utilise un ensemble de métaphores.

Les moyens du Shingon :
des symboles du monde visible pour expliquer le monde spirituel.


Le Shingon utilise la nature comme symbole pour expliquer le monde spirituel invisible (ou métaphysique), considérant que la vie des êtres et de la nature est l’expression du Bouddha, conçu dans son aspect « Dharmakaya » : la Loi de la vie ou la charpente de la force de vie de l’univers.

Cependant, le Shingon n’est pas un panthéisme, il ne se réduit pas au culte des forces de la nature comme dans le Shintô. Quand on parle par exemple des cinq Eléments ou de l’astre solaire, il s’agit d’états de conscience qui sont ainsi décrits.

Par exemple, le Bouddha ultime, symbolisant l’univers, est appelé « Daïnitchi-Nyoraï » (ou MahaVairocana en sanscrit), le Bouddha « grand soleil », car la lumière du soleil symbolise au mieux l’état de la conscience purifiée. La lumière blanche est la synthèse et la source de toutes les autres couleurs : c’est pourquoi il existe un Bouddha ultime qui rassemble toutes les qualités des autres bouddhas et Bodhisattvas, qui sont l’expression de ses différents aspects.

Après l’initiation, la méthode du Shingon consiste à faire fusionner notre conscience avec celle de Daïnitchi-Nyoraï. La pratique des trois mystères, qui sont le mystère du Corps, de la Parole, et de la Pensée, propose d’effectuer simultanément un geste symbolique avec les mains, un « mûdra », répéter un « mantra » et visualiser devant soi la forme de la divinité bouddhique en rapport (un « mandala » ou cosmogramme). Alors, l’initié réalise ce qui a été donné virtuellement au moment de l’initiation et actualise un certain nombre de dons et de qualités, qui étaient endormies en lui.

Comme l’univers est très vaste, le Shingon invite à développer diverses qualités de conscience pour nous y intégrer harmonieusement. Les méditations des différents Bouddhas sont des étapes qui amènent à l’Eveil intégral et à la Réalisation spirituelle. Ce processus a été structuré sous la forme d’un diagramme mystique (cosmogramme) comportant différents quartiers avec de nombreux bouddhas. Ce mandala est une carte de l’anatomie spirituelle de l’homme expliquant comment pénétrer à l'intérieur de nos cinq principaux centres d’énergie subtile (« chakra » en sanscrit), pour éveiller leurs potentialités. La méditation sur la forme de chaque centre, en répétant les mantras et effectuant les mûdras, permet à l’initié de se connecter avec le cœur des Bouddhas et du maître qui l’a instruit. Il se produit alors une sorte de transfert, qui actualise les qualités spirituelles du méditant.

Les deux grands mandalas du Shingon, le Kongôkaï et le Taïzôkaï, regroupent ainsi de nombreuses divinités bouddhiques symbolisant différents niveaux de conscience. Disposées en plusieurs quartiers, elles expriment la compassion, douceur, d'autres l’intelligence, le discernement, d’autres encore l’énergie, la force pour vaincre tous les aspects négatifs du subconscient.

La voie qui mène à l’Eveil spirituel est donc celle du développement de toutes nos potentialités, qui peuvent se regrouper en deux mondes, se complétant et s’enrichissant mutuellement : le monde des idées, « Kongôkaï » (ou « plan de la foudre ») et le monde de la sensibilité, « Taïzôkaï » ( ou « plan de la matrice »). Les deux cosmogrammes, qui en découlent, incarnent sagesse et intuition.

Que comprendre de cet exercice ? Pour saisir ce qu’il perçoit du monde, l’homme ne doit pas se laisser bercer par les apparences : il doit les analyser et élaborer des concepts avec discernement. C’est pourquoi on symbolise par la foudre ou le « vajra », le diamant qui coupe, le principe masculin de sagesse ou de connaissance analytique.

Cependant pour comprendre vraiment quelque chose, il faut aussi le percevoir dans sa totalité, au-delà des détails scientifiques. A défaut, la théorie inventée pour l’expliquer peut être réductrice et fausse. Il faut donc augmenter la sensibilité et le volume des perceptions, en faisant abstraction de ses à priori ou de ses théories antérieures ; c’est-à-dire développer une ouverture intérieure vis à vis de l’autre, vis-à-vis de la vie, qui n’est possible que si le cœur est humble, doux, sans préjugé et compatissant (c’est le cœur de bodhi).

Plus la compassion est grande, plus les perceptions deviennent fines, directes, immédiates, car on perçoit l’autre par fusion globalisante du cœur et non par le biais d’un jugement, ordonné par notre tête. Ce n’est pas par un raisonnement que la connaissance est ainsi obtenue, mais par l’intuition. C’est pourquoi on identifie l’intuition au monde féminin de la matrice. Le cosmogramme Taïzôkaï décrit ainsi la diversité de la vie au travers des cinq Eléments : la Terre, l’Eau, le Feu, l’Air, l’Espace. Le monde du Kongôkaï est le 6ème Elément de cet ensemble : la « conscience métaphysique ».

Développer et unir en soi ces deux mondes, deux polarités latentes en chacun de nous, féminine et masculine, intuitive et réflexive, active et méditative : c’est trouver l’équilibre intérieur. Pour atteindre l’Eveil, il faut faire fusionner ces deux principes en soi.

Ainsi, au cours de cérémonies d’onctions appelées « kanjô », le maître du Shingon (ou « acariya ») consacre l’eau lustrale pour transmettre directement l’essence de la connaissance et de la compassion du Kongôkaï et du Taïzôkaï. Cette transmission se fait de cœur à cœur, avec son disciple, et introduit la guidance dans le processus de émditation des cosmogrammes. Au final, l’initié a réalisé son essence métaphysique et assume sa nature humaine dans tous ses aspects. Il conçoit cette fraternité originelle entre tous les hommes et assume la fonction sociale qui est la sienne, au sein des hiérarchies sociales.

Le danger serait que ces techniques soient utilisées pour produire des résultats contre-initiatiques. Ce danger guette les Occidentaux, qui se lancent dans la méditation et les visualisations sans initiation préalable, et surtout sans une solide formation doctrinale. Dans le vide produit par la méditation, des formes subtiles spirituelles mais aussi hostiles circulent. Il est alors possible de prendre les secondes pour les premières, comme on le voit dans les cercles spirites. Nous y reviendrons au tome 3 du présent ouvrage.

Or, le Reiki met en œuvre certaines techniques de visualisation présentes dans les cosmogrammes de l’ésotérisme bouddhique, notamment le Shingon. Le danger serait que dans le vide créé lors des soins et des visualisations, des possibilités d’ordre inférieur s’actualisent pour être exercisée et épuisées. 

Comme le soulignait René Guénon, cité plus haut dans notre ouvrage, de la descente aux enfers du héros de Dante dans sa « Comédie » :
« (…) cette descente est comme une récapitulation des états qui précèdent logiquement l’état humain, qui en ont déterminé les conditions particulières, et qui doivent aussi participer à la « transformation » qui va s’accomplir ; d’autre part, elle permet la manifestation, suivant certaines modalités, des possibilités d’ordre inférieur que l’être porte encore en lui à l’état non-développé, et qui doivent être épuisées par lui avant qu’il lui soit possible de parvenir à la réalisation de ses états supérieurs. Il faut bien remarquer, d’ailleurs, qu’il ne peut être question pour l’être de retourner effectivement à des états par lesquels il est déjà passé ; il ne peut explorer ces états qu’indirectement, en prenant conscience des traces qu’ils ont laissées dans les régions les plus obscures de l’état humain lui-même : et c’est pourquoi les Enfers sont représentés symboliquement comme situés à l’intérieur de la Terre ».

Faute de préparation doctrinale, certains enseignants de Reiki new-age ont pu se saisir de telles manifestations subtiles et en exagérer l’importance à des fins de manipulation psychique ou de soumission de leurs étudiants. Il convient donc, dans les pratiques avancées du Reiki, de ne céder à aucune curiosité et aucun attachement. Les phénomènes observés doivent être considérés comme de subtiles manifestations parasites, dans le processus de rétablissement de la santé. On les retrouve d’ailleurs en acuponcture, nous y reviendrons au tome 2 à propos des sources chinoises de Mikao Usui.

Nous soulignerons d’ailleurs, à propos des sources bouddhiques du Reiki, que les pratiques tantriques ne sont pas sans danger, et que si Mikao Usui n’a donné que peu d’explications sur ses techniques, c’est que certains aspects se devaient de ne pas être livrés sans précaution aux initiés, et encore moins aux simples profanes et autres curieux.

Au Tibet, les pratiquants du Bouddhisme tantrique étaient tenus ainsi d’agiter un grelot pour signaler leur présence, afin que les villageois écartent de leur parcours ceux que leur passage pouvait indisposer. Au Japon, les ascètes, et particulièrement ceux des montagnes, sont revêtus d’un costume particulier, pour les mêmes raisons.

Il serait avisé, de la même manière, de ne pas divulguer les pratiques tantriques du Reiki aux non-initiés et de ne les commenter seulement qu’entre personnes en ayant fait l’expérience. D’autant que de nombreux points de convergence entre Reiki et Bouddhisme sont manifestes.

 

 

II. Reiki et Shingon.

 

On peut mettre en évidence divers points de convergence entre la doctrine bouddhique et le Reiki au travers de quelques exemples.

1. La formule du Shingon, selon laquelle celui qui réalise que le fond de son cœur, « bodhi », est le même que celui de tous les êtres, devient un avec le tout et dissout son moi dans l'univers comme une goutte d’eau se dissout dans l’océan, rappelle le terme Reiki, de « Rei » l’univers et « Ki », son individualisation sous forme humaine et que la méthode de Mikao Usui vise à unir.

2. La transmission du Reiki se fait « de coeur à cœur », comme dans le Shingon, selon un système de progression (en degrés) ayant servi pendant plusieurs siècles de modèle pour tout enseignement et qui trouve son origine dans le « Reikiki » ou « Reiki-kanjô », un texte du syncrétisme nippon proposant de transformer un adepte en Kami, puis en Bouddha et enfin en Empereur.

3. L’idéogramme d’initiation au Reiki (« Daïkomyô ») se retrouve en Chine et désigne l’Empereur, dont le modèle dans le Bouddhisme est « Daïnitchi-Nyoraï », le Bouddha solaire. Il convient de faire remarquer que le rituel d’initiation au Reiki reprend trait pour trait le rituel védique d’investiture royale.

4. Les quatre symboles du Reiki et leurs formules sonores ne sont pas sans rappeler des aspects de quatre des cinq Bouddhas transcendants du Bouddhisme, notamment si on associe ces Bouddhas aux cinq Principes du Reiki.

5. Le site de Kurama-yama, dédié au gardien (du Nord) bouddhique des ancêtres Bishamon-ten, était tenu à l’époque de Mikao Usui par une école du Shintô, conjointement à une école bouddhiste. De nos jours, le temple principal, reconstruit en 1949, est voué au kami Mao-Son, ancêtre de l’Empereur venu de Vénus, et tenu par l’école syncrétique Kurama-kokyo. Derrière l’autel de Mao-Son, trois lettres sanscrites (utilisées dans le Bouddhisme), appelées par les moines « Lumière », « Amour » et « Force » semblent avoir un lien de sens avec les symboles du Reiki.

Ces quelques singularités, il en existe d’autres comme nous le verrons au tome 2, peuvent avoir trois conséquences :
- soit le Reiki et le Bouddhisme auraient puisé aux mêmes sources universelles ;

- soit le Reiki aurait été inspiré du Bouddhisme, consciemment ou inconsciemment ;

- soit Mikao Usui aurait puisé dans la culture japonaise, donc bouddhiste, pour expliquer et transmettre son expérience.  


Dans les trois cas, présenter le Reiki au moyen du Bouddhisme n’a rien d’illégitime. La doctrine bouddhique expose les faits universels de manière didactique, sans faire appel à la croyance ou au mysticisme, comme dans le cas du Chamanisme.

Associer le Reiki au Bouddhisme peut ainsi pâlier à certaines insuffisances de sa transmission. S’il s’adressait à son origine à des Japonais, principalement bouddhistes, le Reiki est adopté par des Occidentaux, qui auront vite fait, sur la base des expériences vécues lors des initiations et des soins, de donner à la pratique un caractère chrétien, occultiste ou new-age qui lui est étranger. Force est de constater que la plupart des écoles de Reiki new-age proposent un syncrétisme fou de formes religieuses : anges, ascensionnés, maîtres invisibles ou autres absurdités dans le contexte du Reiki.

Il convient également de garder en mémoire que le Bouddhisme est apparu en Inde alors que le Brahmanisme avait été renversé par une révolte de la caste des Ksatriyas, les guerriers. Le Bouddhisme a donc été parfois considéré de ce fait et à tort contre une contre-initation en Occident. 

Deux mouvements étaient apparus, il est vrai, en Asie à cette époque :
- le Jnaïsme, dont les adeptes les plus extrémistes se promènent nus sur les routes, vise à un retour au nomadisme intégral ;

- le Bouddhisme, dont le fondateur le Bouddha a réagi en fuyant le palais royal pour mener une vie de nomade (ascète), ensuite rejetée également, a pour originalité de proposer une vie communautaire, consacrée à l’Eveil et sans rejet du monde, soulignant les caractères déchu de la sédentarité brahmanique et archaïque du nomadisme.


D’une certaine manière, nous y reviendrons au tome 2, le Reiki s’inscrit dans cette philosophie, notamment du Bouddhisme, de rester dans le monde, tout en paliant aux effets de nos civilisations folles. Mikao Usui est assez explicite sur cette intention concernant sa méthode dans l’introduction à son manuel de soin (voir plus haut).

Il reste tout de même que le vocabulaire utilisé par Mikao Usui renvoie parfois au Shintô. Faut-il voir dans le Reiki l’envers initiatique du culte impérial remis en scène par la révolution Meiji ? Faut-il considérer la méthode de Mikao Usui comme un héritage du Chamanisme nippon, dans lequel le Shintô puise son origine et ses forces ? Nous devrons traiter à la suite de ces questions, la communauté Reiki s’étant, dernièrement et subitement, saisie d’un intérêt pour le Shintô.

 

III. Dérives du Reiki Shingon et ésotérique.

 

La question est épineuse depuis les élucubrations de Richard Blackwell, un américain qui s’est fait passer non seulement indûment pour un moine bouddhiste (japonais et tibétain), mais qui a également produit de faux documents et une fausse biographie de Mikao Usui. Quoiqu’il en soit, on doit assumer le fait que le Reiki est apparu au Japon, dans un cadre traditionnel syncrétique. Convient-il, comment certains le font, de distinguer les deux traditions du Shintô et du Bouddhisme ?

Certes, le Reiki s’inscrit à son origine dans une période où le Shintô est affirmé comme moyen politique et où le Bouddhisme, persécuté depuis plusieurs siècles au Japon, se voit réhabilité. Toutefois, il n’y a guère que dans les vestiges du Chamanisme nippon que l’on voue encore de l’hostilité au Bouddhisme, et même au Confucianisme. Le Japonais contemporain naît shintoïste, se marie à l’église chrétienne et meurt bouddhiste ; tout en pensant scientifique et technologique au long de sa vie. Le Nippon est pragmatique, il pense à ce monde comme à l’au-delà et ne conçoit ainsi pas de barrière entre le monde matériel et le monde spirituel.

Si nous laissons de côté le cadre historique du Reiki, le renouveau shintoïste des arts martiaux, on peut s’interroger sur un apport bouddhique. Après tout, le mont Kurama, où Mikao Usui réalise le Reiki, est consacré à l’école bouddhiste Tendaï (le « Kurama-kokyo »), et le fondateur du Reiki est réputé avoir pratiqué le Zen à la même époque. Aurait-il été influencé par sa religion du moment, alors que précédemment il avait été missionnaire du Shintô, ou par le site de Kurama ?

La question mérite d’être posée car les Japonais ne font généralement pas de distinction entre le Shintô et le Bouddhisme, qui se trouvent intimement liés dans presque tous les sanctuaires. Dans le même ordre idée, on ne voit pas un Chrétien souhaiter se défaire des apports du Judaïsme dans sa religion, mis à part dans les mouvements liés à l’extrême-droite. Il convient aussi de se méfier des Occidentaux souhaitant être plus nippons que les Japonais eux-même et introduire des distinctions qui n’ont pas lieu d’exister pour un autochtone.

 

Le Reiki tibétain, découvert à Superstition Mountain, Arizona.

 

A la suite de Hawayo Takata, le Reiki a pris aux Etats Unis un courant assez semblable à celui des sushis. Si le terme a été conservé, le plat servi est loin de présenter les caractéristiques de l’original.

Comme de nombreux praticiens, le lien de la méthode avec le Japon nous avait poussé à nous interroger sur une possible origine bouddhique du Reiki dès 1994. En 1996, le Reiki tibétain faisait son apparition en France. En 1999, la communauté Reiki accueillait avec enthousiasme les déclarations du Lama Yéshé et en 2004, celles du révérend Inamoto, tous les deux pratiquants du Bouddhisme japonais et praticiens de la méthode de Mikao Usui. Elles établissaient un lien historique du Reiki avec le Bouddhisme tibétain et le Shingon, pour le premier, et doctrinal avec le Tendaï, pour le second. La déception fut à la hauteur de l’enthouisasme initial, excepté en ce qui concerne le révérend Inamoto.

On trouve sur Internet cette précision osée :

« Le Reiki Tibétain trouve son origine à l’époque du Bouddha, de Jésus et de Mahomet. Cet enseignement été transmis aussi en Lémurie, en Atlantide et en Egypte dans les Ecoles des Initiés ainsi que dans les Andes et en Polynésie. A la fin du 19ème  siècle, Babaji, Mataji et le Maître Rupon auraient initié Tschen Li. Tschen Li aurait initié Mikao Usui qui est devenu le Grand Maître du Reiki Usui Traditionnel. Mikao Usui aurait été initié à tous les symboles décrits dans cet enseignement[1] ».

Rappelons que plusieurs siécles séparent ces trois fondateurs de religion, sur une période de 1.000 ans. La Lémurie et l’Atlantide attendent toujours d’être découvertes, et on doit avouer que l’on en sait rien que quelques lignes de Platon. Quant aux personnages qui auraient initié Mikao Usui, ils surgissent de nulle part, avec des noms dignes des élucubrations de la société théosophique. Usui ne s’est pas non plus donné le titre de « maître » et encore moins de « grand maître », qui est un terme de la franc-maçonnerie française. Tout ceci est donc hautement fantaisiste.

 

Le Reiki tibétain a été, au contraire, créé récemment et de toutes pièces par Arthur Robertson, un des étudiants américains d’Hawayo Takata, sous le nom de « Reiki Raku Kei ». Ce dernier prétend que des tables de guérison avaient été constituées par un médecin américain Rolf Jensen, qui aurait rencontré Mikao Usui vers 1915 au Japon. Ce dernier les aurait confiées à Hawayo Takata, et finalement la synthèse de cet enseignement aurait été retrouvée en 1985 sous le banc d’une église de Superstitious Mountain en Arizona par Arthur Robertson lui-même, guidé par une voix céleste[2]. Il associe à la pratique du Reiki d’autres symboles : « Raku », « Raku-kei », « sNying Ghi Tsa » et « Johrei ». Il enseigne la visualisation d’un cube frappé d’une croix gammée, qu’il nomme « antakharana ».

 

L’histoire est féérique jusqu’à la publication en 2004 du manuel de soin du Dr Hayashi, un des co-directeurs de la clinique Reiki de Tokyo. Les tables de soin d’Hawayo Takata, dont Chujiro Hayashi a été le professeur, en sont directement inspirées.

 

Le débat est clos lorsque l’on constate que Robertson a copié des termes sanscrits utilisés par les moines tibétains[3], l’idéogramme représentant la voie lactée d’une école spiritualiste japonaise[4] et des dessins du mage allemand Frantz Bardon[5]. La visualisation antakharana est un des produits occultistes de la société théosophique[6], une contre-initiation occidentale.

 

Le Reiki tibétain n’a également aucun lien ni avec le Bouddha, ni avec le Tibet. Il n’a non plus qu’un lien très indirect avec le Reiki et constitue donc un bricolage du new-age. Au mieux, le Reiki tibétain produit de l’agitation mentale et détourne de la méthode originelle. Au pire, il s’agit d’une contre-initiation, qui s’oppose à la méthode de Mikao Usui.

 

Lama Yéshé et la voix de Mikao Usui.

Comme cela se suffisait pas, un dénommé Lama Yéshé publiait en Inde, en 2001, un ouvrage qui devint un best-seller : « Medecine Dharma Reiki[7] ». Il y présentait des écrits inédits, attribués par lui à Mikao Usui.

 

En voici la synthèse, telle qu’on la retrouve encore sur Internet et que nous avions traduit :

 

« Mon père était un hobereau qui, dans sa sagesse innée ou peut-être du fait d’une certaine candeur qui le servait, avait compris l’importance d'une affiche peinte à la main qui annonçait la fin du vieux gouvernement militaire. Le Shogunat était en place depuis une cinquantaine d'années avant ma naissance (Usui est né en 1865) et s’était au fil du temps délité pour s’effondrer enfin, à l’image d'une table usagée et déglinguée qui finit par se briser sur le sol, sous les coups de la sage et très coordonnée machination de l’Empereur Meiji et de ses partisans. Cela produisit un changement important dans l’attitude nationaliste, qui était alors réactionnaire (conservatrice)… C'est vers cette époque, à l'âge de 16 ans (en 1881), que j'aperçus pour la première fois un moteur. Je fus ému jusqu’aux larmes par la symétrie, la perfection, l'élégance, la beauté et le fonctionnement de cet objet. C'est juste après cet événement qu'il y eut au Japon un afflux de barbares (jap. "gaijin", ceux du dehors) venus de l'ouest… En tant que bouddhiste, je savais que les Bouddhas étaient compatissants, mais de 1881 à 1892, de 16 ans à 27 ans, j'avais rejeté ma fois et je m'étais mis en quête du savoir concernant le Dieu Monothéiste (de la Bible), ou tout du moins les découvertes scientifiques que les barbares amenaient dans notre empire. J'ai étudié la médecine et l'anatomie, ainsi je suis devenu docteur en médecine (occidentale) sous la conduite des instructions du Dr P. et d'autres professeurs des universités de Princeton, Harvard et Chicago. Mon diplôme a été validé par un décret de l'Empereur et j'ai été autorisé à pratiquer avec le Dr P. et le Dr K. son associé, un généraliste hollandais. J'ai commencé à apprendre la chirurgie de haute précision, ayant maîtrisé la pharmacologie, le traitement et le diagnostic des maladies selon l'allopathie occidentale… J'ai pratiqué ainsi comme médecin généraliste dans la région d'Osaka et j'ai alors joui d'une assez bonne réputation. Un certain nombre de patients me consultaient en invoquant la raison qu'ils sentaient en moi une certaine habilité naturelle et avaient l'intuition que j'avais une vocation pour ce métier. Cette façon de penser n'est pas inhabituelle chez les paysans, qui sont considérés par beaucoup de gens comme superstitieux. C'est ce que j'aurais pensé il y a quelques années encore : qu'ils étaient des crétins superstitieux… Un jour dans une boutique de Kyoto), j'ai trouvé un vieux coffre de bois laqué, avec sur son couvercle un sceau du Temple Emoriji du culte bouddhiste Shingon. En étant un fervent dévot, j'ai senti qu'il devait contenir quelques sutras ou commentaires de texte, et j'en ai immédiatement fait l'acquisition pour un prix ridicule. Je l'ai ramené à la maison et j'ai réalisé le trésor dont j'avais fait la découverte (le Tantra de l'Eclair): ce que j'avais toujours recherché en particulier sans avoir vraiment conscience de ce dont il s'agissait, ce que les Bouddhas et les Boddhisattvas des Trois Temps, dans leur immense compassion et bonté m'avaient réservé… Un jour, je me suis rendu à Kurama-yama pour faire la pratique de « shyu-gyo ». Le 21ème jour, j'ai senti l'influence des constellations du zodiaque comme un cercle au-dessus de ma tête et j'ai alors reçu l'initiation spontanée à cette méthode de guérison (du Tantra de l'Eclair). J'ai perçu une Grande Lumière venant de ma droite et puis comme une sorte d'écran devant moi (une nappe). Mes yeux étaient collé à cet écran et j'y ai vu apparaître in extenso ce que j'avais étudié en Sanscrit (le contenu du coffret, donc le Tantra de l'Eclair) puis chaque lettre en sortir et se dissoudre une à une… Après avoir lu (le texte contenu dans le coffre), mon esprit était tellement enflammé, que j'ai envoyé un émissaire à travers la Chine et le Tibet pour voir si un texte complémentaire existait… Nous savons (en effet) que les Tibétains détiennent encore beaucoup de secrets et ont su préserver des aspects du Dharma qui ont été perdus dans le reste du monde bouddhiste. Evidemment, grâce à leurs montagnes, ils ont pu progresser en paix et échapper aux guerres et combats qu'ont dû affronter le Japon et la Chine. Dans cet espace merveilleux de paix et de contemplation, les Tibétains ont su laisser de côté les préoccupations mondaines et cultiver l'esprit d'Eveil spirituel. C'est une raison pour laquelle je cherche à obtenir du matériel tibétain, spécialement celui détenu par la grand collège médical de Lhassa… J'aurais tant aimé voyager jusqu'à ce royaume, qui doit être comparable à la Terre Pure de Dewatchen (le Paradis de l'Ouest de la divinité Amitabha), et boire moi-même à l'incompréhensible profondeur de leur sagesse spirituelle, mais l'âge et les infirmités physiques m'empêchent de réaliser ce désir, au moins pour cette vie... Je dois donc dépendre de mes amis et d'autres chercheurs de vérités, qui utilisent les avantages de la voie commerciale des marchands indiens à travers le Shigatse jusqu'à Lhassa … Pour le moment, nous devons être patient et attendre, espérant que nos souhaits et nos prières soient exhaussés par l'infinie bonté et compassion du Bouddha de Médecine, tant nos intentions et nos vœux sont altruistes… Le texte (du Tantra de l'Eclair qui m'a été ramené du Tibet) comporte deux chapitres qui manquent au mien. A partir du texte tibétain, j'ai pu corriger le sanscrit de mon exemplaire, qui avait été altéré par sa copie au travers de la Chine jusqu'au Japon. Je considère cet aspect comme très important pour la pratique des mantras d'invocation à l'influence transcendantale de guérison (du Bouddha de médecine). Mon texte a également une introduction, avec quelques préceptes moraux, qui font défaut au texte tibétain… (De cette introduction et de son adoption par l'Empereur Meijin ami de Mikao Usui, il écrit :) c'est avec gratitude que j'ai reçu les principes de vie énoncés par l'Empereur Meiji pour la purification et l'élévation du corps, de la parole et du souffle (corps, âme, esprit). Premièrement, nous devons soigner spirituellement notre cœur. Deuxièmement, nous devons tout faire pour avoir un corps en bonne santé. Si notre esprit (souffle) est sain et en consonance avec la vérité, notre corps sera en harmonie, tout à fait naturellement. Le but de la méthode de santé Usui est de pouvoir diriger sa vie dans la paix et la joie, et aussi de permettre aux autres de vivre cet état. Par le passé et du fait des capacités limitées de mes élèves, je n'ai enseigné que des symboles simples et je n'ai donné que des initiations assez basiques. Cette technique permet d'invoquer et d'obtenir la pacification des souffles pathogènes. Je n'ai transmis que cela pour le moment et nous l'appelons "les mains qui guérissent". Cela aide à restaurer les mécanismes naturels permettant une bonne santé. Toutefois, il y a bien plus derrière cette simple technique, qui n'est pas curative en soi. Elle ne l'est qu'indirectement puisque si elle ne guérit pas elle permet d'augmenter la vitalité du corps, en relâchant les tensions nerveuses et en supprimant les accumulations ou les manques de souffle interne (ou "Ki" - c'est donc le corps qui se guérit lui-même lorsque sa vitalité est augmentée par la pratique du Reiki et que les désordres du souffle interne ainsi sont sapés à la base). Les symboles des degrés supérieurs, eux, ont vraiment le pouvoir d'éradiquer les maladies. Ils sont enseignés dans la partie cachée (ésotérique) de mes cours… Je suis vraiment et fermement convaincu que, derrière ce système de soins, il est possible d'atteindre la Délivrance du cycle des renaissances (la réalisation spirituelle). Les mérites de ceux qui utilisent cette méthode et l'appliquent sur autrui s'accumulent et s'empilent aussi haut que le Mont Méru (ndt. c'est à partir de cette accumulation de mérites que le potentiel karmique d'un individu produit l'Eveil puis le Nirvana). Cette méthode peut faire beaucoup de bien, de guérisons, et transmettre la sagesse transcendante à toute l'humanité… L'individualité d'un être qui pratique les degrés les plus élevés du Tantra de l'Eclair ("Sho-den", "Oku-den" et "Shinpi-den" sont les degrés connus en Occident à la suite d'un médecin de la marine japonaise Chujiro Hayashi, formé par Mikao Usui en 1925 et 1926 avant sa mort / au Japon : "Sho-den" est le niveau élémentaire, "Oku-den-ke-ki", "Oku-den-zen-ki" et "Dai-san-tu" sont les niveaux secondaires ou "Rei-ju", et enfin "Dai-yon-tu", "Dai-go-tu" et "Dai-loku-tu" les niveaux supérieurs du Reiki) devrait être entièrement tournée vers la guérison, pas le développement personnel, ni la satisfaction égotique ni le profit matériel… L'individu qui est initié doit avoir un caractère noble certes, mais bien plus encore la capacité mentale à intégrer la sagesse que développe chaque degré de la méthode ( de soin ). Il doit de plus stabiliser sa démarche et ne pas papillonner d'un système de soin à un autre. Il doit dédier sa volonté à se perfectionner dans un système précis, avant d'aller de l'avant à la découverte d'autres systèmes de soin… Il serait judicieux de faire des ajouts (au Reiki) comme les massages, le Shiatsu, etc pour aider au mieux autrui. Il serait aussi intéressant d'incorporer d'autres choses comme les mouvements rythmiques (Tib. "sKum-nyé") et l'exercice physique qui, à l'époque où le Tantra de l'Eclair a été écrit, n'avaient pas d'importance car les gens avaient plus d'activités corporelles que maintenant. Il est vrai que le manque d'exercice cause des blocages chez les modernes et que ces techniques sont bénéfiques et peuvent être incorporées à la pratique. Toutefois, les autres systèmes qui utilisent des "médiums" (channeling d'anges ou de maîtres, spiritisme)de telle ou telle source spirituelle pour soigner sont une perte de temps dommageable car tout cela est contenu dans le système développé par le Tantra de l'Eclair[8] ».

 

Tout ceci était probable, mais lorsqu’il fut temps pour Lama Yéshé de produire les documents en question, Richard Blackwell (de son vrai nom) avoua qu’il était un faux hiérarque tibétain, qu’il n’avait jamais pratiqué le Shingon et même le Reiki (sic), et qu’il avait inventé les écrits inédits de Mikao Usui de toute pièce. Il expliqua qu’en fait, il s’agissait de transes liées à des exercices spirituels, au cours desquelles Mikao Usui aurait parlé à travers lui. Il produisit d’ailleurs des enregistrements où il tente de parler japonais.

 

Nous avions souligné, dès 2001, divers faits fâcheux. Tout d’abord, le fait que Lama Yéshé soit un promoteur zélé de la théocratie pontificale, qui est une forme de gouvernement imparfait au sens platonicien, avec des propos racistes et la négation des libertés individuelles. Ensuite, les incohérences de sa biographie de Mikao Usui et de ses « documents inédits » comme suit.

 

En page 51, note 17, de l’édition de 2002 de « Reiki, médecine mystique du Dr Mikao Usui », nous avions procédé à cette mise en garde :

« Ces faits sont l’objet d‘une controverse, Lama Yéshé ayant déclaré sous « la pression de son entourage », voire « d’agents secrets » de son pays de résidence, que les notes chirographaires de Mikao Usui, retranscrites ici, sont des informations obtenues par lui lors de séances d’écriture automatique provoquées par des transes hallucinatoires selon les modes tibétains d’oracle. Toutefois, certains détails des écrits sont corroborés par des témoins et les faits historiques. Seules la pratique du Shingon par Mikao Usui et la date de 1914 pour la retraite sur Kurama-yama posent problème ; des contemporains nient cette conversion et la stèle de Saihoji indique 1922. Pour l’heure, il n’est pas possible de trancher. Nous avons opéré le choix d’utiliser ce matériel des notes 1 à 3, 5 à 14 et 16 pour donner un éclairage à la biographie donnée au Japon par la Usui Reiki Ryoho Gakkai. Pour les points trop controversés, nous nous sommes abstenu par souci éthique. Pour plus de détail sur les modes tibétains de divination, nous renvoyons au chapitre de cet ouvrage consacré au Bouddhisme et en particulier à nos propos finaux sur le Boeun ».

 

Cette mise en garde a été délibérément occultée par diverses personnes qui faisaient une utilisation commerciale de notre travail de recherche et qui se trouvaient ainsi en porte à faux avec leurs étudiants. Nous considèrons donc qu’il est de mauvaise foi de nous reprocher d’avoir fait allusion aux textes du Lama Yéshé ; ils étaient probables et il aurait été dommage de les occulter, s’ils s’étaient avérés exacts.

 

Une fois rendu public les doutes sur le caractère mensonger des allégations du faux Lama, nous avons averti nos correspondants (en 2004) et Ronald Mary y fait allusion dans son ouvrage sur le Reiki (« Le Reiki aujourd’hui », Ed. Souffle d’or). Nous avons maintenu, comme le précise la note, ce qui semblait plausible en attendant que la justice américaine se prononce, le Reiki Men Choss du Lama Yéshé étant toujours enseigné et ses dirigeants niant le bien fondé des accusations[9].

 

Bien entendu, si les faits historiques sont malheureusement erronés, nous en avons la preuve absolue depuis janvier 2008, notre analyse doctrinale du Reiki au regard du Bouddhisme n’est pas entachée par cette affaire : elle était bien antérieure. Certains ont omis de le mentionner à leurs étudiants ; d’autres, qui s’étaient enrichis par notre travail, ont réagi selon le mode de leur distorsion élémentale dominante. Les allégations du Lama Yéshé traçaient un probable lien avec le Reiki et l’établissaient de manière historique. Toutefois, d’un point de vue doctrinal, moi-même et d’autres nous étions penchés sur la question, notamment le révérend Inamoto.

 

Christian Mortier et le Reiki tantrique.

 

Dernière école sous les golibets, le « Reiki tantric » initié à Paris. Il ne s’agit pas d’une imposture mais d’une forme de Reiki faisant appel à un texte japonais (le « Reiki-kanjô ») ayant un lien homonymique avec le Reiki. Cette école s’appuie également sur les allégations du Lama Yéshé ; c’est sans doute ce qui lui est le plus reproché.

 

Yann le Quintrec soulignait récemment les incohérences de cette école sur une page Internet fort peu visitée, mais bien argumentée[11]. Que peut-on reprocher à Christian Mortier, qui est par ailleurs le fondateur de Fédération Française de Reiki Traditionnel[12] ?

 

Tout d’abord, ce psychanyste se réclame être l’étudiant de Hiroshi Doï et enseignant de Gendaï Reiki, ce que contesterait le directeur de l’école de Reiki en question (toujours selon Yann).

Ensuite, il a combiné les enseignements du Lama Yéshé avec des pratiques et des concepts du Reiki-kanjô ou Reikiki, un texte japonais issu de la cour impériale, pour créer une méthode tantrique de Reiki.

A priori, l’idée n’est pas choquante en soi. Nous avons vu à propos des cinq Principes du Reiki que l’on pouvait établir un lien entre Reiki et Tantrisme bouddhique. Nous y reviendrons au chapitre suivant. Dans le cas du Reiki tantric, on a souligne qu’il ne s’agissait plus de Reiki au sens stricto-sensu, mais d’une adaptation, à qui l’on pourra reprocher sans doute son caractère assez ostensiblement commercial.

Pour autant, la question mérite que l’on s’y arrête.

 

L’origine du Reikiki.

 

L’origine du Reikiki ou Reiki-kanjô est indiquée dans le texte de son rituel. Il met en scène l’empereur Daigô (885 - règne 897 - 930), que nous avons déjà rencontré sur le site de Kurama-yama, où il fut guéri miraculeusement par un shugenja.

Voici le mythe de l’origine du Reikiki : un jour, une très belle femme au corps de dragon émergea d’un étang du jardin impérial de Shinden’en. Elle entra dans le Palais et expliqua le sens profond des coutumes japonaises, notamment des trois symboles qui sont les attributs impériaux (miroir, épée et joyau). Puis, elle transmis à l’Empereur des instructions sur le sens du Dharma, l’enseignement, du Bouddha Amefuda no-kami. La dragone précisa que ce chapitre ne devait être transmis qu’entouré de grandes précautions. Seul, un disciple parfaitement idoine devrait recevoir cette initiation.

De ce fait, l’initiation fut surtout transmise au début entre Empereurs, voire aux courtisans de la grande aristocratie, et vraissemblablement entre hauts dignitaires du culte Shintô au sanctuaire d’Ise ou entre prêtres bouddhistes à Kurama-yama lorsque le palais impérial a été déplacé à Kyoto.

Quel est le contexte de cette initation ? Historiquement, on peut affirmer que c’est essentiellement dans le cadre des initiations aux Kamis que les premières lignées shintoïstes de transmission du Reikiki prirent forme concrète. A l’origine, le kanjô (l’initiation) était une cérémonie servant à transmettre des doctrines et des pratiques ; voire sanctionnait le niveau de réalisation des pratiquants.

Vers la fin de la période Heian et plus fréquemment sous l’ère Kamakura, différents kanjôs (initiations) commencèrent à apparaître sous forme de rituels initiatiques secrets (« kûden ») basés sur des textes ésotériques spécifiques, des doctrines et des rites souvent de nature assez hétérodoxe. Peu à peu, des rituels initiatiques furent utilisés également afin de transmettre des savoirs concernant des textes littéraires comme les recueils de poésie, les arts théâtraux, des savoirs-faire professionnels, ainsi qu’artisanaux ou encore médicaux.

On assistera donc, lors des siècles suivants, à une profanation ou, tout du moins, popularisation du rituel. Le processus est classique. C’est dans un tel contexte social et épistémologique, que commencèrent à se développer, sous l’ère Kamakura, des rites initiatiques basés sur des textes et des doctrines liées aux Kamis, généralement connus sous le nom de « Shintô-kanjô » ou « Jingi-kanjô ». Le contenu intellectuel de ces rituels est le plus souvent constitué d’instructions orales et d’interprétations ésotériques des mythes issus du Nihon-Shoki, le recueil de légendes shintoïstes sur l’origine de l’Empire.

Le Nihon-Shoki (Annales ou Chroniques du Japon), aussi appelé Nihongi, a été rédigé à la fin du 7ème siècle par le prince Toneri, et d’autres historiens de l'époque. Cet ouvrage constitue l’une des très rares sources officielles écrites sur l’histoire des origines du Japon après le Kojiki, un autre texte mytho-historiographique. Tous deux décrivent l’origine divine de la famille impériale japonaise. Sa rédaction fut terminée en 720 par des prêtres du Shintô.

Toute comme le Kojiki, le Nihon-Shoki commence par des récits mythologiques ; mais aborde ensuite les événements historiques contemporains. Le Nihon-Shoki se concentre également sur les mérites et les erreurs des souverains respectifs. Il rapporte les contacts diplomatiques avec la Chine et la Corée, ainsi que de nombreux autres événements historiques.

Le Nihon-Shoki a été écrit en chinois, comme il se devait pour les documents officiels de cette époque. Il n'existe cependant aucun original et le texte actuel a été reconstitué grâce à de nombreuses copies, souvent partielles.

A l’époque de médiévale, ce sont donc ces récits des mythes fondateurs du Shintô qui aurait dû servir de référence pour les initiations. Pourtant, au Moyen Age, ce n’est pas le Nihon-Shoki mais un autre texte, le Reikiki, celui-là même auquel nous nous référons ici, qui semble constituer le cadre mythologique et ontologique de référence de tous les rituels. En fait, plusieurs auteurs médiévaux considèrent très explicitement le Reikiki, comme étant à l’origine du Shintô-kanjô ; c’est à dire des initiations shintoïstes.

On peut donc se demander si le Reikiki ne constitue pas une sorte de survivance des pratiques chamaniques antérieures au Shintô, comme le Dzogchen du Tibet avec sa double origine bouddhiste et Bön.

Il est alors nécessaire d’étudier un miminum ce texte afin de mieux cerner les rituels du Reikiki et leur contexte intellectuel ; puis de considérer ce qui, dans le Reiki, est commun. Outre l’homophonie singulière, certains éléments se retrouvent dans le Reiki comme le Reikiki.

 

Reiki et Reikiki, simple homophonie ?

 

Le Reikiki est donc un des textes les plus importants de la tradition shintoïste Ryobu. A t-il inspiré Mikao Usui ? Convient-il de l’étudier pour saisir l’intégralité des sens du Reiki de Mikao Usui ? C’est difficilement envisageable.

Le texte est composé de dix huit fascicules : quatorze composent le texte principal, les quatre derniers contenant exclusivement des ouvrages iconographiques. De nombreuses copies du texte existent bien que les érudits aient signalé la présence d’au moins trois versions différentes. Ce texte intrigant défie toutes les catégories qu’ont pu développer les académistes ou autres « religionistes » au cours des siècles afin de classifier les doctrines shintoïstes et leurs rituels. Son étrange association d’éléments japonais, chinois et indiens le rend tout à fait irrégulier dans le panorama de la culture de la religion japonaise médiévale. De ce fait, ce n’est probablement pas par hasard que le Reikiki ait été aussi peu étudié de nos jours.

Malgré son importance, on connaît peu de chose sur son origine. Il fut attribué dans le passé à différents personnages tels que Kôbô Daïshi (fondateur du Shingon), Shôtoku Taïshi et même à un effort collectif entre En-no Gyoja, Kôbô Daïshi, Dengyô Daïshi et l’Empereur. Le texte lui-même se revendique de la transcription faite par l’Empereur Daigô d’une initiation secrète qu’il aurait reçu de la femme dragon vivant dans la mare de l’enceinte du palais impérial.

Les érudits modernes pensent que le Reikiki fut écrit par un ou des prêtres Shingon en relation avec le Sanctuaire d’Ise. Cette attribution de paternité n’est pourtant pas complètement convaincante étant donné la présence de nombreux éléments du Bouddhisme Tendaï dans le texte. Notons également l’absence d’informations claires concernant la date et l’endroit de la composition de l’oeuvre.

La première référence historique au texte date en fait de 1320 ; mais on le sait bien antérieur, du domaine de la tradition orale. Sur la base de sources citées dans le Reikiki ainsi que des idées présentes dans celui-ci, des érudits le considèrent comme un texte datant de la fin de l’ère Kamakura, entre l’ère Koan (1278-1288).

Pourtant, le Reikiki ne relève pas du traité philosophique ; mais plutôt du manuel rituel. Les thèmes abordés dans les divers chapitres sont très courants dans la littérature combinatoire médiévale :

- la cosmologie (particulièrement les théories cosmogoniques et la place du Japon dans l’univers) ;

- la théologie (le statut et le rôle des Kamis) ;

- la sotériologie (théorie et pratique de libération et de l’Illumination selon le Bouddhisme) ;

- le rôle de l’autorité, surtout celle de l’Empereur ; et 

- des questions liées à la représentation du sacré.

La façon dont ces thèmes sont traités est cependant étrange. Dans certains cas, ils ne présentent aucune équivalence avec d’autres textes déjà existants. Ceci, ajouté à une iconographie singulière marque peut-être une indication sur la nature essentiellement expérimentale du Reikiki.

La singularité du Reikiki se perçoit encore sous différents aspects. Le plus frappant réside sans doute dans son lexique obscur qui se lit dans deux langues relatant souvent des choses différentes. Par exemple le terme « zokutai » (le « corps profane ») écrit en caractère chinois est traduit « makoto no-sugata » (« l’aspect véritable ») en japonais katakana. Cela diffère certainement selon les buts recherchés : donner au texte une valeur plus symbolique par sa qualité obscure et initiatique, le démarquer des autres discours shintoïstes qui se développaient en ce temps ou exploiter explicitement les possibilités de langage afin de mettre en valeur les principes initiatiques les plus hauts.

La structure du texte est très libre. On y trouve généralement un manque de cohérence discursive et thématique. Les mêmes sujets sont traités dans plusieurs fascicules. Le Reikiki apparait comme l’assemblage d’une grande variété de textes et de documents : récits cosmogoniques, tableaux de lignées, noms de déités, mythes et contes d’origines diverses, (plus cités que relatés intégralement), instructions rituelles, doctrines bouddhistes ésotériques, etc. Ceux-ci sont associés suivant une logique qui n’est pas très claire. Sa nature fragmentée confère au texte un parfum étrangement post-moderne. Le plus important reste son sens rituel très clair.

L’argumentation la plus complète sur le contenu de l’initiation selon le Reikiki nous a été laissée par le moine Jodo-Shingon Shogei dans le texte « Reikiki-shishô ». Son commentaire est plutôt impénétrable pour le lecteur profane, mais il permet de bien illustrer le goût pour la spéculation du Bouddhisme ésotérique médiéval en ce qui concerne la question des Kamis et des changements de la polarité sexuelle et de passage de la sédentarité au nomadisme.

On note ce but de transformation dans le rituel du 12ème fascicule du Reikiki, qui propose d’accoupler, les mandalas féminin et masculin lors de l’union mystique entre le maître et l’étudiant. Dans le cadre sotériologique du Shingon : l’homme enfanté par la Matrice et le Vajra ne se conforme plus à leur domination, comme un enfant, mais s’en émancipe comme un adulte. Il est alors apte à maîtriser les forces vitales en oeuvre dans l’univers et en lui, et ensuite à modifier les règles de son existence sans conséquence karmique. C’est finalement à cela que tend l’homme moderne, sans avoir pour été réalisé quelles sont les forces en œuvre dans la nature, ni toutes leurs règles.

Après les premiers siècles de contacts avec l’Extrême-Orient, le  Père d'Entrecolles écrivait, le 4 novembre 1734, une lettre caractéristique au Père du Halde, tous deux missionnaires jésuites. Instruit par les sages taoïstes, il déclarait :

« Le secret chimérique de la pierre philosophale a été en vogue chez les Chinois longtemps avant qu'on en eût les premières notions en Europe. Ce que nos charlatans appellent Grand-Œuvre, ils le nomment « tan-tien » et promettent de tirer de leurs creusets non seulement de l’or mais encore un remède spécifique et universel qui procure à ceux qui le prennent une espèce d'immortalité ».

Or, dans le manuel de soin de Mikao Usui, le terme « tanden », l’équivalent japonais de tan-tien, apparaît au centre de la pratique du Reiki.

Dans ce cadre extrême-oriental, la formule alchimique VITRIOL (« Visita Interiorem Terrae, Rectificando Invenies Operare Lapidem »), pouvait donc être traduite par : « Explore tes souffles internes, en rectifiant leur rotation, tu y trouveras une force céleste cachée ». 

Il n’en fut rien ; l’Occident continua sur sa lancée rationnaliste, délaissant l’intuition transcendante, et préféra la chimie à l’alchimie. L’Occidental s’enfermera toujours plus dans ses ratiocinations, s’identifiant uniquement à ses pensées (« cogito ergo sum », « je pense, donc je suis ») et cultivant avec joie toutes les émotions, quelle que soit leur nature. Le désastre écologique programmé dévoile la prétention incroyable de la race blanche, qui s’est communiquée à toute l’humanité, de maîtriser les forces de la nature sans pour autant avoir accumulé la sagesse nécessaire.

La technique sans la sagesse, la science sans la conscience, les fantasmes (les cinq perversités) sans les cinq vertus transcendantes, sont une fausse liberté : elles conduisent à un esclavage certain, dont l’apothéose est le mise en œuvre de l’énergie nucléaire à des fins de destruction. Le Japon a fait cette expérience.

Pour autant, et parce que la colonisation a donné une extraordinaire publicité à ses idées, la race blanche risque de nuire encore longtemps à l’humanité et à la planète en que « mauvaise habitude de pensée ». C’est là ce que Mikao Usui a parfaitement réalisé dans ce processus qui l’a amené, à partir d’une éducation orientée sur la fascination pour l’Occident, à un retour aux valeurs nationales nippones du Shintoïsme et du Bouddhisme.

En nous transmettant sous la forme du Reiki  le fruit de ce retour, sa « métanoïa » ou « talvéra » : Mikao Usui nous a légué une clef de la porte de sortie de l’impasse humaine dans laquelle s’est fourvoyé l’Occident depuis le 16ème siècle. C’est là un paradoxe que l’époque de l’empereur Meiji, réputé pour avoir été la « marionnette » des marchands qui ont fait entrer le Japon dans la modernité, nous ait finalement transmis le meilleur moyen d’en sortir.

Il y a donc un lien certain entre Reiki et Reikiki. Ce lien est la préoccupation de la mentalité traditionnelle pour l’environnement et la maturité des êtres, obtenu par une transmission de sagesses et de souffles. Il se peut aussi que le Reiki-kanjô ait servi de modèle aux premiers rituels d’initiation au Reiki. Nous avons souligné que le rituel était très populaire pendant toute la période féodale pour la transmission des techniques et des arts. Toutefois, de là à remanier la méthode de Mikao Usui à l’aune du Reiki-kanjô, il y a un pas tout de même difficile à franchir et qui demenderait une grande maîtrise de la science tantrique. Nous émettons quelques doutes sur la méthode Reiki tantric et sur la possiblité d’introduire des Occidentaux ordinaires un processus sotériologique tantrique, comme celui du Reiki-kanjô.

D’autant que le terme « Reiki », utilisé par Mikao Usui, n’a pas le même sens que celui du texte en question. Dans le Reikiki, l’initiation est la permission de mettre en œuvre les techniques d’un texte, donnée par un enseignant à un étudiant. Dans la méthode de Mikao Usui, Reiki désigne l’influence ressentie lors de l’expérience de Kurama-yama et ses effets de guérison. L’initiation vise à actualiser cet état chez celui qui la reçoit. Reste que les rituels présentes des aspects communs, dont nous nous sommes expliqué.

 

Reiki et Reikiki, un lien avec le rite impérial ?

 

La ventilation de l’enseignement du Reiki en 4 degrés rappelle la règle de progression japonaise habituelle, fondée sur le texte Reiki-kanjô ou Reiki-ki, une initiation donnée à son origine aux Empereurs du Japon et qui propose de transformer celui qui en reçoit l’initiation en « nomade spirituel sacralisé » (ou Empereur), puis Kami et enfin Bouddha. Ce protocole est typique de l’organisation sociale nippone où, sous les aspects exotériques et extérieurs, un lien ésotérique et plus intérieur (dit « Mykkyô ») lie l’Empereur à la collectivité d’hommes, qui lui ont confié sa charge.

 

Le calque possible des degrés du Reiki sur cette initation Reikiki n’a rien d’exceptionnel au Japon. L’initation impériale, basée sur un texte en 18 fascicules, est considérée comme tout à fait remarquable sous trois aspects et a largement servi de modèle.

 

D’une part, ce rituel est avant tout un transfert de conscience permettant à un adepte, ici l’Empereur, d’étudier un texte. Sans cette transmission subtile, le texte resterait pour lui incompéhensible. L’objectif est de mettre l’étudiant dans le même état de conscience que le rédacteur, dans l’espoir d’éviter les interprétations abusives ou trop personnelles. D’autre part, le rituel permet de mettre en évidence les liens entre les systèmes de représentation du réel du Bouddhisme Shingon, du Bouddhisme Tendaï et du Shintô, en cours au Japon. Encore, le Reikiki servit de modèle universel, dans l’univers intellectuel nippon de la fin du moyen age, pour transmettre rituellement les connaissances dans les arts et les métiers. Il n’est donc pas du tout étonnant que la Usui Reiki Ryoho Gakkaï ne soit inspirée de cet usage, pour formater les degrés de Reiki.

 

On peut aller encore plus loin dans les rapprochements entre le Reiki et le Reikiki impérial. En observant ses divers aspects, on remarque qu’au moins six aspects du Reiki semblent en rapport direct avec la doctrine légitimant le rôle de l’Empereur du Japon. Cette doctrine est ici dans sa forme nippone ; mais, néanmoins sur le fond, elle n’est qu’une des nombreuses expressions historiques de la « grande synarchie spirituelle universelle »[13], système qui a prévalu dans toute l’Antiquité comme fondement à son organisation sociale.

 

1. Le premier des rites impériaux du Reiki est de loin son initiation. Le rituel de transmission du Reiki se présente comme calqué sur les rites védiques d’offrande au ciel et d’investiture de l’Empereur. Nous allons donc en dire quelques mots. Les Védas sont les textes sacrés de l’Inde, codifiés dans l’Antiquité la plus haute (2.500 avant J-C.). Deux rites importants de cette tradition semblent se retrouver dans la forme et dans le fond dans le rituel de transmission du Reiki : « diksha », un préliminaire indispensable à tout sacrifice cosmique (sacré et sacrifice sont formés sur la racine latine « sacer », qui signifie mettre à part, protéger et conserver), et « rajasuya », le sacre impérial.

 

Le préliminaire diksha implique en Inde une mort et une renaissance rituelles de l’adepte. Pour se faire, le cosmos est convoqué. Devant cette assemblée, le candidat à l’initiation est ramené à l’état prénatal, par une régression dans le temps. Cette action le rend apte à être réintégré dans l’ensemble des forces en œuvre dans la nature. L’initié est donc « à part » du commun des mortels ; il a été défait de ses liens familiaux pour entrer dans la famille des hommes véritables. Il passe du statut d’enfant à celui d’adulte.

 

On retrouve cet aspect dans le baptême des Chrétiens mais aussi le Reiki, où l’initié est invité tout d’abord à raconter ce qui l’a conduit à l’initiation. Au début du rituel, il est prié de partager cet instant avec qui il le souhaite, tandis que l’enseignant convoque le cosmos en joignant ses mains sur son cœur. Il est d’usage dans le Reiki de continuer l’initiation jusqu’à son terme, même si l’initié renonce. Une sorte de contrat moral est signé entre l’enseignant et l’initié, dés avant l’initiation, avec une information complète de l’élève et qui prévoit justement cet événement.

 

Dans rajasuya, le sacre impérial indien lui-même, diksha étant le préliminaire, le souverain est considéré comme un embryon et le rite consiste à reproduire la gestation intra utérine (cette fois-ci au sein du cosmos et sous la fécondation des acteurs de la lignée de transmission initiatique). Au terme du sacre, chacune des parties du cosmos est réintégrée dans le souverain. Le souverain devient la manifestation du cosmos. Si le cosmos est le père, l’initié est le fils. Si le cosmos est une grande lumière (racine du terme « dieu »), l’initié est devenu « fils de la lumière » ; c’est d’ailleurs ce qualificatif qui désignait jadis l’Empereur de Chine.

 

Dans le rituel d’initiation au Reiki, la lumière (source de la vie selon le Shintô et nature fondamentale de notre conscience pour le Bouddhisme) est invoquée sous la forme de son idéogramme japonais, reprenant le dessin des constellations au centre de l’hémisphère nord. Son influence est ensuite étendue au crâne, sur les épaules et au cœur de l’initié. L’énergie interne se réaligne alors sous cette influence et vide les huit émonctoires subtils (huit canaux d’acuponcture, dits « curieux »). Suit alors un cycle de quarante jours où ces huit émonctoires se vident sur des niveaux de manifestation correspond à chacun des cinq éléments de la cosmologie (soit 8 canaux multipliés par les 5 élements, on retrouve ici le jeûne de 40 jours, présent dans la majeure partie des traditions spirituelles ; c’est d’ailleurs le nombre d’années d’exil maximal dans le rite grec de l’ostracisme).

 

Pendant cette période, réduite à 21 jours dans les écoles occidentales en référence à la méditation de Mikao Usui à Kurama-yama, l’initié au Reiki peut avoir diverses sensations ou manifestations physiques que la science védique nomme « kriya », violence en sanscrit. L’observation de ces mouvements autonomiques, et des réactions psycho-physiologiques qu’ils engendrent, a inspiré les exercices du Hatha Yoga (notre yoga gymnastique d’Occident). C’est dire leurs effets puissants sur les systèmes subtil, psychologique et même biologique. Ces mouvements ne doivent pas être redoutés, ils cessent d’eux-mêmes.

 

2. Le second aspect impérial du Reiki réside en son terme même, en tant que générique et en tant que moyen. Le Reiki est, pour les Japonais, une des activités de la force de vie agissant dans le cosmos mais dans son aspect céleste. Son correspondant est le « tamaki », la force qui réside dans notre corps et dans les choses matérielles. Lorsque le tamaki et le Reiki se présentent sous des formes reprenant parfaitement l’architecture subtile du cosmos, on dit avoir face à soi un Kami : une force naturelle en action.

 

Ainsi, pendant le temps du soin de Reiki, le soigneur incarne le Kami. Par son activité de médiation, de canal, il est dans la même fonction que l’Empereur : recevoir et donner une influence, transmettre un souffle « cosmique » ou spiritualité. Au final, il atteint l’état de Bouddha. C’est à dire que l’initié et lui communiquent dans leur état primordial, sans l’action réductrice des pollutions et de l’ego, c’est à dire en tant que lumières dans un champ de lumière. La lumière, rappellons le, est l’état primordial, de base, du cosmos dans le Shintô et la base de notre conscience dans le Bouddhisme. Toutes ces allégations peuvent sembler curieuses. Elles s’expliquent symboliquement dans le contexte traditionnel et correspondent scientifiquement à des processus électromagnétiques des propriétés de la lumière. Nous y revenons dans notre ouvrage « Reiki, les postulats scientifiques et les études cliniques ».

 

3. Le troisième aspect impérial du Reiki réside dans les postures des mains, indiquées au Hikkei. En effet, le visage, le cœur et le ventre sont les sièges, dans le Shintô, des trois forces : Reiki au crâne, tamaki au « hara » (ventre) et leur union au cœur. Le « sceau de Salomon », autre signe impérial, met en scène la pénétration de la pyramide des forces de la terre, par la pyramide inversée des forces du ciel, pour former l’emblème des Juifs : l’étoile à six branches.

 

Placer les mains sur ces trois lieux du corps, alors que le praticien est comme l’Empereur en fonction de canal, c’est rétablir l’équilibre des forces antinomiques du thanatos et de l’éros, de la mort et de la vie, pour susciter un apaisement ; c’est dire la « Paix » au sens propre du terme. De plus, le soin sur le visage comprend cinq postures (ou Goddaï), qui doivent être mises en relation avec les cinq sens et ce que nous allons décrire ci-dessous.

 

4. Le quatrième aspect impérial du Reiki réside dans les symboles, ces symboles étant au Japon des voyelles sacrées (« Kototama ») destinées à animer notre architecture interne en syntonie avec le cosmos.

 

Dans le Tantrisme, le canal central subtil au cœur de la colonne vertébrale est décrit comme l’enlacement de cinq centres de vie ou çakras. Des mandalas, des mûdras, des mantras et la méditation de divinités sont des antidotes aux pollutions psychiques sur ces centres. Un autre moyen est le « bîja » (sancrit) ou « bijon » (japonais). Lors des rites, cinq voyelles sont sensées mettre en consonance notre architecture subtile avec celle du cosmos : ce sont les bîjas « O », « A », « U », « I » et « E ».

 

Or, les symboles du degré Okuden de Reiki, dans leurs formes scripturaires, pourraient être également des déformations en japonais des lettres tibéto-sanscrites Om, Ah, hUm, hrI et trEum (on écrit « Tram » et on prononce « Treum »).

 

Ecrire et prononcer les symboles du Reiki, c’est mettre en relation notre charpente subtile, ou « constitution intérieure », avec celle du cosmos. C’est ce que fait l’Empereur socialement, et que le praticien de Reiki exécute lors des soins.

 

La phrase suivante de René Guénon explique l’intérêt d’étudier ce type de connaissances : « Il existe encore actuellement, même en Occident, des hommes qui, par leur constitution intérieure ne sont pas des hommes modernes, qui sont capables de comprendre ce qu’est essentiellement la tradition, et qui n’accepteront pas de considérer l’erreur profane comme un fait accompli et c’est à ceux-là que nous avons toujours entendu nous adresser exclusivement[14] ».

 

5. Le cinquième aspect impérial du Reiki réside dans ses cinq Principes. Les Gokaï (les Cinq Principes du Reiki) légués par l’empereur Meiji sont le fruit simplifié de la doctrine bouddhiste des cinq éléments, réduite à sa plus simple expression. Le tableau suivant permet de replacer les Cinq Principes dans le cadre de la psychologie bouddhique et de sa science impériale. Le détail des divers aspects sont vus au cours de nos autres ouvrages.

 

Chacun des 5 éléments de la vision tantrique de la consitution intérieure des êtres et du cosmos est mis en relation, dans le tableau ci-dessous, avec une vertu transcendante (non-ego) et son symbole bouddhique (Bouddha transcendental et direction dans l’espace). Dans le sens de la déformation ou de la distorsion de notre charpente subtile, nous trouvons les éléments constitutifs de l’impression de « moi » (agrégat), puis les réactions émotionnelles (distorsion karmique) et mentales (ego). Au centre, les Cinq Principes du Reiki apparaissent comme des antidotes aux mauvaises habitudes et penchants psychologiques, généré par la perversion des éléments dans la conscience.

 

6. Le sixième aspect impérial du Reiki réside dans les poésies de l’empereur Meiji. Cet aspect fera l’objet d’un futur ouvrage car les poésies de Meiji sont calquées sur la structure de l’initation Reikiki. Le lecteur peut donc s’imaginer les aspects sonores, donc subtils, et thématiques de ces belles œuvres, inspirées à l’Empereur par cette même influence qui se manifeste lors des soins de Reiki.

 

On peut donc conclure que le Reiki est de nature tout à fait traditionnelle et qu’il est en rapport avec la transmission des influences spirituelles au cœur de la sédentarité : le Reiki est donc une authentique et régulière voie initatique dans son essence. Toutefois, il faudra encore distinguer les écoles authentiques et les « sectes » du Reiki.

 

Le Reiki, selon les vues de l’histoire des religions, est donc un processus typique des civilisations synarchiques en fin de cycle. Comme des abeilles quittant la vieille ruche, les individus impliqués dans ce processus transportent avec eux les charismes fondateurs. Le mythique Rama pour la civilisation européenne des mégalithes, Noë pour la civilisation babylonienne, Abraham pour la civilisation mésopotamienne, Moïse pour la civilisation égyptienne, Jésus pour la civilisation davidienne, Sakyamouni pour la civilisation indienne, le Rastafarisme pour la civilisation éthiopienne, le Dalaï Lama pour la civilisation tibétaine sont des précédents historiques à cette nomadisation d’une influence spirituelle au profit de nouveaux horizons et peuples. Nous avons ainsi affirmé, parfois sous les quolibets, de Mikao Usui qu’il avait exercé une fonction « noétique » des principes spirituels de la civilisation japonaise. D’ailleurs, le Reiki apparaît au lieu même du  mythe fondateur de l’Empire nippon, Kurama-yama, et dans tous les exemples, cités plus haut, intervient une montagne « sacrée » liée à la civilisation précédente déchue et dont la nouvelle « religion » entend se détacher.

 

Bien qu’il ne soit pas une religion au sens commun ou théologique, le Reiki l’est au sens étymologique : le Reiki induit une lecture (lat. « relegere ») particulière (naturelle) du réel et opère un lien (lat. « religare ») particulier (sans perversité) avec l’environnement. La preuve en est dans la déclaration suivante de Mikao Usui.

 

A la question (voir plus loin l’interview du Dr Mikao Usui : « La méthode Usui soigne t-elle seulement les maladies physiques ? ». Mikao Usui répondait : « Non, la méthode de soin naturel Usui ne soigne pas seulement les maladies physiques. Les maladies psychiques comme la langueur, la dépression, la timidité, le manque de résolution, la nervosité et d’autres mauvaises attitudes mentales et émotionnelles peuvent être corrigées. Par la suite, vous êtes capables de mener une vie heureuse et de soigner les autres grâce à l’influence psychique de Bouddha ou de Dieu selon votre religion. Cela devient l’objet principal ».

 

Le Reiki se présente donc comme une forme épurée des processus ésotériques (secrets) au cœur de chacune des religions et n’implique donc pas une « conversion au Reiki », aux religions du Japon ou l’abandon de sa propre foi ou encore de son athéisme. Le Reiki propose ainsi une spiritualité authentique, hors de tout contexte religieux. C’est là sans doute ce qui explique son succès et la manière très divergeante dont la méthode de Mikao Usui est vécue et présentée par ceux qui la pratiquent.

 

Toutefois, cette liberté a des limites, dont de ne pas être abusive en se livrant à un délire personnel ; ce qui est hélas le plus souvent le cas chez les voyants, channels et autres formes de pathologies mentales du new-age qui se sont parfois approprié le Reiki pour en faire une contre-initiation.

 

Notes.

 


[1] Source : http://angelsplace.club.fr/ReikiTibetain.htm

[2] Source : http://www.geocities.com/HotSprings/9434/history2.html

[3] Source : http://www.tibetan-calligraphy.com/fr/tsa-tsha-dza-wa.html

[4] Source : http://www.johreifoundation.org/

[5] Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Franz_Bardon

[6] Source : http://www.creerlecalme.com/antahkarana.html

[7] Source : http://www.amazon.fr/Medicine-Dharma-Reiki-Lama-Yeshe/dp/8176210811

[8] Source : http://www.reiki-pour-tous.izispot.com/accueil_reiki__011.htm

[9] Voir : http://www.medicinedharmareiki.co.nz/news.html

[10] Source : http://reikistory.site.voila.fr/page5.html

[11] Source : http://reikitraditionnel.site.voila.fr/page5.html

[12] Source : http://www.federation-francaise-de-reiki-traditionnel.com/

[13] Nous ne connaissons ce système que sous sa forme dégénérée et les vestiges des civilisations antiques ; aussi, il semble difficile d’adhérer un tel système, qui nous paraît abusivement tyrannique. Pour mémoire, dans le système synarchique, l’Autorité proprement dite n'appartient jamais à la force et à l’action ; il ne peut donc y avoir de tyran.

La Synarchie est une forme de gouvernement qui distingue l’Autorité, du Pouvoir et de l’Action : ceux qui ont le pouvoir et ceux qui agissent sont subordonnés à ceux qui ont l'autorité.

L'Autorité appartient au corps professoral, réunissant toutes les institutions enseignant la science dans le pays. Un « pontifex » est à la tête de ce corps enseignant, il est désigné d'après ses mérites et sa sagesse par le corps enseignant et il ne dispose que de sa science et de l’estime générale pour asseoir son autorité. La science détermine le réel et ce réel s’impose à la collectivité qui l’y consent par adhésion.

Le pouvoir est placé dans les mains d’un « rex ». Il est chef de l’Exécutif et tous les fonctionnaires sont désignés par lui après un examen par le corps enseignant et lui restent subordonnés. Il est élu par ses pairs, « primus inter pares » disait-on au moyan âge.

Les travailleurs constituent la force économique ; dont l’activité est déterminée par l’Autorité et la sanction des abus est sanctionnée par le Pouvoir. Les patrons sont élus par les ouvriers, en fonction de leurs qualités morales et techniques.

Aucun de ces trois groupes ne domine les autres ; ils s’équilibrent mutuellement. Dans ce type de gouvernement les trois fonctions essentielles de l’activité collective des sociétés : l’Enseignement, l’Administration et l’Economie sont ainsi représentées par trois Chambres sociales (sans partis politiques) élues professionnellement au suffrage universel et placées sous la conduite d’un magistrat suprême non-sédentarisé et dont l’hygiène de vie doit être naturelle (un Empereur).

Les Chambres sociales élaborent les projets de loi conjointement, dans le respect de chacun. A ces trois Chambres correspondent trois corps politiques qui ont pour tâche de promulguer et d'appliquer les lois préparées avec mandat impératif par les trois Chambres sociales. Les corps politiques ne peuvent promulguer que des lois préparées à l'avance par ces Chambres sociales.

Dans ce système, aucune caste sociale ne dirige : les clercs doivent asseoir leur autorité sur la science (et non sur des croyances) ; les nobles sont contôlés dans l’exercice de la justice et de l’administration (ils n’ont ni privilèges, ni autonomie et sont soumis à la loi) ; les travailleurs désignent les dirigeants des entreprises par élection en fonction de leurs qualités humaines (souci de paix sociale) et de gestionnaires (objectifs de développement durable et de respect de l’environnement), ces dirigeants étant contrôlés par l’autorité scientifique et sanctionnés par l’administration.

Ce système synarchique, fondement intellectuel de la collectivité humaine traditionnelle, a conduit René Guénon, en accord avec cette forme d’organisation, à une descrition inédite du système chinois dans son ouvrage « la Grande Triade » et en ces termes :

« C'est pourquoi il (le Wang / l’Empereur) est, comme nous l'avons vu, le "régulateur" de l'ordre cosmique aussi bien que de l'ordre social ; et, quand il remplit la fonction de "médiateur", ce sont en réalité tous les hommes  qui la remplissent en sa personne : aussi, en Chine, le Wang ou l'Empereur seul pouvait-il accomplir les rites publics correspond à cette fonction, et notamment offrir le sacrifice au Ciel qui est le type même de ces rites, car c'est là que le rôle du "médiateur" s'affirme de la façon la plus manifeste. En tant que le Wang s'identifie à l'axe vertical, celui-ci est désigné comme la "Voie Impériale" (Wang-Tao) ; mais, d'autre part, ce même axe est aussi la "Voie du Ciel". D'ailleurs, le Wang n'est réellement tel que s'il possède le "mandat du Ciel"  (Tien-Ming), en vertu duquel il est reconnu légitimement comme son Fils (Tien-tseu), et ce mandat ne peut être reçu que selon l'axe envisagé dans le sens descendant, c'est à dire en sens inverse et réciproque de celui dans lequel s'exercera la fonction "médiatrice", puisque c'est là la direction unique et invariable suivant laquelle s'exerce "l’Activité du Ciel" ».

Cette idée de la collectivité humaine est effectivement la vision traditionnelle. Elle n’est pas enseignée à l’université. Elle est quasi-absente de la littérature et a fait l’objet d’attaques véhémentes pour la discréditer et la passer sous silence. Nous avons consacré une étude complète à ce sujet, qui est disponible gartuitement : "Imperium : la franc-maçonnerie et la nostalgie de l'Empire". Notre ouvrage est un des rares à briser ce tabou ; quelles que soient la fureur ou l’incompréhension que cette publication puisse susciter.

[14] René Guénon, « Initiation et Réalisation spirituelle », France, Editions Traditionnelles, 1952, p.27.

 

 

 

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