Reiki et Bouddhisme

Le Reiki et le Bouddhisme

Conclusion


 

Reiki et Bouddhisme, de possibles influences, surtout japonaises ?

Il est certainement intéressant de revenir au Reiki-kanjô (ou Reikiki), qui apparaît dans le même contexte que le Reiki. C’est à dire dans un moment de mutation du Japon, où Shintô, Bouddhisme et influences étrangères ont généré une certaine confusion et des schémas de pensée aberrants, et où il est nécessaire de revenir aux fondements de l’âme nippone. 

En effet, le 12ème fascicule du Reikiki, le « Amefudo-no-maki » considéré comme la partie centrale de cette initiation conjuguant cultes shintô et bouddhique, met en œuvre cette formule verbale pour introniser le kami, devenu ensuite empereur, en un Bouddha :
« Vam, Hum, Trah, Hrih, Ah ».

Il est remarquable qu’une formule assez semblable (Vai, Ham, Hrih) se retrouve sur le mont Kurama, affichée sur des pancartes dans le dos de la statue du kami Mao-Son. Certes, les syllabes-germes utilisées ne sont pas rigoureusement les mêmes. Toutefois, elles sont nettement en rapport avec un prototype commun à toutes les écoles bouddhistes, qui reprend la structure du cosmos en cinq Eléments, mais ici sous forme sonore. Nous sommes donc invité à explorer cet aspect du Mikkyo, hérité de l’Inde, via la Chine et l’Himalaya.

Pour autant, nous ne concluons toujours pas à une influence du Reikiki sur le Reiki. Nous notons simplement que les deux méthodes se justifient par une période de confusion et le souhait de revenir à la compréhension de sa propre destinée. Le Reikiki, qui ritualise un retour aux fondamentaux nippons, léguera un mode de transmission des enseignements utilisés pendant plusieurs siècles dans de nombreux corps de métiers au Japon. On le retrouve certainement dans la gradation de la méthode de Mikao Usui. Quant au Reiki, il est plus original : il se concentre, comme l’indique Mikao Usui dans son manuel de soin, sur les bonnes habitudes de pensée, pour produire ensuite la guérison.

Qu’elles sont ces « bonnes » habitudes de pensées ? A quoi Mikao Usui fait-il allusion. Nous allons tenter de le découvrir maintenant.
 
L’influence possible des exercices tantriques du Mikkyo.

Voici à la suite une prière utilisée dans la lignée Nyingmapa du Tibet dite « Amoncellement des nuages de bénédiction faisant tomber rapidement la pluie des siddhis ». Elle laisse apparaître la formule que nous avons indiquée plus haut et qui incarne la structure sonore du cosmos. Ici, elle est mise en œuvre rituellement pour transformer le pratiquant en Bouddha sur le modèle d’un mentor spirituel, le « Précieux Maître de la Guérison des Tantras ».

La première partie de la prière est introduite par le son Hum, ou « Houng » en prononciation tibétaine. Elle comprend quatre étapes :
1 - l’invocation du mentor, par le son secret Hri ;
2 - le récitant se situe alors par la pensée dans l'au-delà de la Terre-Pure (Orgyen) du mentor, par le pouvoir du son Hum ;
3 - le récitant y demande la bénédiction du mentor, octroyée par le pouvoir du son Ah ;
4 - le récitant se voit purifié de ses empêchements karmiques par le son Om, que le mentor lui confère par sept bénédictions.

La formule d’un mantra d’invocation ponctue ces visualisations :
« OM AH HOUNG BENDZA GOUROU PEMA SIDDHI HOUNG, OM AH HOUNG BENDZA GOUROU PEMA THEU TRENG TSEL BENDZA SAMAYA DZA DZA, SARVA SIDDHI PALA HOUNG HA, HRI MAHA RINI SARATSA HRI YATSITHA HRI HRI DZA DZA » .

La seconde partie de la prière commence par la récitation des sons Om, Ah et Hum. Le récitant demande au mentor spirituel sept grâces :
1 - la grâce d'une Energie pure (le corpus paulien) ;
2 - la grâce d'une Parole pure (l’anima) ;
3 - la grâce d'un Souffle pur (le spiritus) ;
4 - la grâce de quatre Initiations magiques ;
5 - la grâce des quatre Continuités ;
6 - la grâce des quatre Chemins ;
7 -  la grâce d'obtenir en cette vie les quatre Corps du Bouddha.

La formule d’un mantra de guérison ponctue ces demandes :
« OM AH HOUNG, BENDZA GOUROU PEMA DEOUA KAYA ABHIKINTSA OM, OUKA ABHIKINTSA AH, TSIHA ABHIKINTSA HOUNG, SARVA ABHIKINTSA HRI ».

L’étude du texte, outre divers termes que nous ne pouvons expliciter ici faute de place, ferait ressortir divers traits communs avec les techniques Reiki, comme l’affirment ses écoles bouddhistes de l’Inde. De plus, les quatre symboles du Reiki présentent une certaine similitude avec les lettres sanscrites Om/Chokurei ; Ah/Seiheki ; Hum/Honshazeshonen ; Hri/Daikomyo.

Voyons cela et précisons, en préalable, que les « mantra » sont des formules liturgiques, généralement assez semblables à celles d’invocation et de guérison données ci-dessus. Le terme sanscrit signifiant textuellement « Man », le psychisme, et « Tra », la protection, le mantra est donc une pratique destinée à protéger la conscience. Son corollaire est appelé « astra », vibration destructrice ou désorganisatrice, et utilisé pour déstabiliser autrui.

Les mantras sont composés de syllabes nommées « bija mantra », censées être dotées de pouvoirs mystérieux. Elles font l’objet d’importants développements dans le Bouddhisme ésotérique et il est dit que Mikao Usui fut envoyé dès son plus jeune âge dans un monastère Tendaï, qui est une de ses écoles. Les liens entre Mikao Usui et ce Mikkyo sont tout à fait intéressants pour notre étude au regard de la note suivante du professeur Michel Strickmann, le grand spécialiste français des Tantrismes tibétain, chinois et japonais :
« Par la force de sa concentration, le Bodhisattva (nda. futur Bouddha) emplit de puissance les syllabes magiques destinées à apaiser les fléaux de tous les êtres, et ces syllabes deviennent ainsi effectives, suprêmement infaillibles pour apaiser de multiples fléaux  ».

Les principales syllabes sacrées sont importées depuis Inde dans les textes chinois vers le milieu du 7ème siècle. Elles seront appelées                « Tsong-tseu », graines ou germes. Elles sont honorées comme la catégorie la plus sublime de mantras et traduites alors par « paroles parfaites », « paroles achevées » ou « Tchen-yen ». En prononciation sino-japonaise, ce terme deviendra « Shingon » ; le nom d’un des deux grands clans tantristes au Japon. De ce fait, le Bouddhisme d’Extrême-Orient sera qualifié par les savants de « clan mystères » ou « Mi-Tsong » (Mikkyo en Japonais).

Le canon bouddhique chinois comprend une imposante division de livres dont le contenu est principalement une série de ces incantations. Ce corpus s’ouvre par la division dite de l’intuition venue de l’univers, ou Prajnaparamita, justifiant le culte que les fidèles rendaient aux livres, en les récitant, en les étudiant, en les recopiant et en leur faisant des offrandes. En effet, comme dans le Shintô, les sons des textes sont censés révéler l’architecture de l’univers et nous avons vu que, faute de les entendre naturellement, l’homme s’enfermait dans ses ratiocinations et en tombait malade. Répéter les lettres-germes mystérieuses, c’est donc accéder de nouveau à cette structure par un procédé artificiel. On retrouve cette idée dans la religion musulmane, où le Livre Saint est dit « Coran » ; c’est  dire « récitation ».
 
Om, Ah, Hum, Hri et Tram sont, dans le cadre bouddhique, les cinq syllabes à la base de l’architecture de l’univers et le fondemenet des incantations rituelles. Elles expriment les quatre directions cardinales projetées par le centre. Cette croyance résulte d’une volonté de modéliser la réalité sur la forme de « mandala », cosmogrammes qui sont les aspects géométriques des mantras. Diverses divinités sont ensuite projetées dans ce palais pour incarner les vertus des cinq secteurs. Le Bouddhisme métaphysique a ainsi tiré divers personnages, plus ou moins historiques, de l’iconographie de la communauté pour en faire cinq Bouddhas métaphysiques : Vairocana au centre, Akshobbya à l’Est, Ratnasambhava au Sud, Amitabha à l’Ouest et Amogasiddhi au Nord.

Cette pratique intellectuelle vient de l’Inde et se justifie à la lumière de la doctrine métaphysique védique que voici. Du vide originel, surgirent cinq vibrations dites « Tan-matra ». Elles se manifestèrent en cinq sons et formes géométriques, à la base de tout. L’entrecroisement des aspects sonore, ou mantra, et formel, ou mandala, de l’architecture de l’univers produisit à son tour les cinq éléments : espace ou brillance, puis air, feu, eau et enfin terre. Ces cinq éléments se retrouvent dans les cinq doigts de la main.

Tous les êtres en sont composés et sont vus comme une gradation, qui va du pur à l’impur, du rapport entre le corollaire « Purusha », espace-temps où les vibrations sont actives, et la « Prakriti », espace-temps où elles sont inactives. Ainsi, une main est active et l’autre est inactive, ou doit le rester pour produire la connexion au monde vibratoire et à l’univers. Tracer des gestes des mains, les mudras, c’est ainsi signifier un des aspects du processus cosmogonique pour les intellectuels et désigner un objet du monde pour le profane ; avec une gradation subtile des sens du lettré à l’idiot. On constate dans les idéogrammes japonais cette même stratégie de lecture selon l’intelligence du lecteur.

Les cinq Eléments incarnés dans les mains apparaissent dans le Tantrisme et ses mudras ; mais aussi à la base de la psychologie bouddhique de l’Abidharma, nous le verrons plus loin. Dans les canaux du système énergétique subtil du Tantrisme, comparable au système chinois, existent non pas trois mais cinq essences créatrices (ou gouttes) de la même nature que l’élément espace énoncé plus haut et en relation avec les cinq Eléments de la cosmogénèse.

Ces gouttes se situent au cœur de chacun des cinq centres énergiques (ou « çakra », translitération : chakras). Elles en forment le cœur, ou « bindu », qui génère à son tour son ou « nada », et forme ou « kala ». Chaque chakra est ainsi un ensemble formé par une goutte d’essence neurale, qui émet des sons et des formes/couleurs. Les représentations du Hatha Yoga sont connues en Occident et parfois présentées (c’est une erreur) dans les écoles de Reiki new-age.

Les cinq gouttes sont les fruits, au niveau subtil, d’un processus plus subtil encore s’opérant dans le cœur. Selon l’ésotérisme bouddhique, la présence d’une essence originale dans cet organe permet la cohésion entre eux des cinq agrégats, dégradations des cinq éléments constituant le moi humain. Lorsque cette cohésion est perdue accidentellement, l’être meurt. Au cours de la vie, cette substance du cœur, vue comme une goutte bleu foncé ou noire, s’hypostasie en deux autres essences : une masculine blanche et une féminine rouge.

On retrouve ici les trois couleurs et principes du mercure rouge, du sel blanc et du soufre noir, communs aux alchimies occidentale, taoïste et tantrique. De même pour les couleurs des trois nerfs subtils principaux du Tantrisme.

Lorsque ce mouvement de bipolarisation finit d’épuiser la substance du cœur, la vie cesse. Les mouvements des essences masculine et féminine, selon qu’ils se dirigent vers le crâne ou le sexe, engendrent à leur tour des états de conscience et des relations particulières avec l’environnement : veille, sommeil, orgasme, état transcendant. Il serait possible, en activant la trace des essences blanches au sacrum, de faire remonter leur force dans le canal subtil central pour en balayer les « vents karmiques » (voir plus loin). C’est la pratique tantrique dite de « l’Eveil de Kundalini ».

En amenant l’essence rouge au crâne, il serait possible de recevoir des informations subtiles de l’univers et de les transmettre au corps tout entier et notamment les cinq gouttes créatrices. Est-ce là ce que Mikao Usui expérimente sur le Kurama-yama ? Est-ce là la raison pour laquelle il attribue sa méthode à « l’intelligence de l’univers » ?

Certains lieux se prêtent spontanément à cette inversion. Cela expliquerait-il la sensation de Mikao Usui que quelque chose y tournait autour de sa tête pour lui révéler le Reiki ? La technique tantrique dite du « Yidam » vise à un objectif semblable d’inversion par la visualisation d’un mentor spirituel au-dessus du crâne ; sur un modèle pareil à celui du texte tantrique, que nous avons cité ci-dessus, et son maître de la guérison.

Ce mouvement de la goutte rouge vers le haut serait-il l’agent producteur de ce que nous appelons Reiki ? Notons que la voyelle I (la syllabe-germe sanscrite Hri) est mise en relation avec le chakra du nombril et le mouvement vertical par les tantristes ; et que c’est justement à ce niveau qu’entend agir l’initiation au Reiki par l’idéogramme chinois de la brillance transcendante. Ces rapprochements sont assez confondants de similitude.

Pour ce qui est des cinq bindus ou gouttes créatrices, elles restent normalement immobiles pendant toute la vie humaine et ont respectivement leurs sièges dans les chakras du front, du cou, du cœur, du nombril et du sexe. Leurs présences permettraient au corps physique, biologique, de se manifester. Ces gouttes d’espace, d’air, de feu, d’eau et de terre émettent autour d’elles des phénomènes sonores et géométriques, les aspects « nada » et « kala », semblables à des roues chantantes. Les méditants peuvent en faire l’expérience et ont consigné leurs visions selon divers modèles. Chaque chakra comporte : une forme précise, son propre mandala ; un son précis, son propre mantra ; un geste précis des mains permettant de commander une réponse sur autrui ou soi-même, son propre « mudra » ; etc.

Lorsque la vibration de l’univers est parfaitement retransmise au corps, un état de bien-être se manifeste en relation avec des mécanismes subtils autour des cinq bindus. Lorsque la vibration de l’univers est perturbée par nos états mentaux et émotionnels, les roues qui entourent les gouttes sont impures et la souffrance se manifeste de manière diffuse dans le corps et la conscience comme un mal-être ; mal-être dont la source subtile semble échapper à toute logique. La perturbation vibratoire engendrée dans les roues attire en retour vers les chakras des champs d’information nocifs circulant dans l’univers: les vents du  « karma ». Ces vents sont attirés par les gouttes comme l’est de la limaille de fer par un aimant.

S’agit-il des champs morphogénétiques découverts par Rupert Sheldrake ? Le scientifique, en effet, a élaboré une théorie complexe mais dont certaines similitudes sont frappantes avec le mécanisme d‘ordre transcendant mis en œuvre dans le Reiki et a contrario cette idée de vents karmiques. En simplifiant beaucoup, est postulé que le tout serait plus que la somme des parties ; remettant en cause l’aspect purement mécanique de la biologie au profit d’une causalité formative à la base de la morphogenèse ; la biochimie et la génétique n’intervenant qu’à posteriori.

Cette causalité formative s’exprimerait par ces champs morphogénétiques. Ces champs façonneraient ainsi les atomes, les molécules, les cristaux, les cellules, les tissus, les organes, les organismes, les sociétés, les écosystèmes, le système solaire, la galaxie, etc. Dans cette complexité croissante, les champs morphogénétiques contiendraient une mémoire inhérente acquise par un processus de résonance morphique, composant la mémoire collective de chaque espèce vivante (idée émise par le psychologue Karl Gustav Jung ). Ainsi, le cerveau, trop petit pour contenir la mémoire, ne serait pas un organe de stockage mais un organe de liaison avec la banque de données du champ morphogénétique, dans laquelle se mêlent passé, présent et futur. Cette théorie expliquerait les phénomènes de la voyance et du talent prophétique, en termes scientifiques.

Dans le Bouddhisme, qui ne s’intéresse qu’à l’Eveil, ces vents sont porteurs de potentialités karmiques, des traces subtiles d’événements produits dans le passé par autrui. Germes de répétition des actes à leur origine, les vents jettent un voile d’opacité sur les cinq gouttes créatrices, de sorte que l'expérience que nous en avons devient source de confusion. Notre vision de la réalité en est influencée au point de nous conduire à des actions malheureuses et à des réactions émotionnelles et mentales inadéquates. Ce sont ces vents qui, à la base, seront à la source de la souffrance, de la maladie et au final de la mort. L’ascèse visera donc à purifier les roues chantantes par des exercices de vocalisation (les mantras), des gestes symboliques (les mudras), des postures de catharsis (les « asanas » du yoga) et l’exécution de cosmogrammes (les mandalas).

L’influence possible de la doctrine bouddhique sur le Reiki.

L’expérience même de Siddharta Gautama, le fils d’un petit empereur du nord de l’Inde, présente des analogies avec le processus de catharsis que nous venons de décrire au paragraphe précédent.

Nous faisons cette remarque puisque l’objet de l’initiation du Reikiki est de transformer l’adepte en Kami, puis en Empereur et enfin en Bouddha ; visant au passage à la guérison des mauvaises habitudes de pensée qui rendent le corps malade. Voyons brièvement à la suite quelle fut cette aventure humaine et la trace que le Reiki en porte éventuellement.

 

Le témoignage du Bouddha dans le Reiki.

Alors qu’il est encore prince, le futur Bouddha perçoit la souffrance inhérente à l’existence humaine sous la forme d’une insatisfaction chronique, sans explication, l’enchaînant de désir en plaisir (la cause en est les vents karmiques, ce qu’il ignore alors). Poussé à sortir du palais paternel par la lassitude, il a la vision de malades, de vieilles personnes, de morts sur leurs bûchers funéraires et de maigres ascètes. Bouleversé, il s’enfuit pour sept années de mortification inutile. 

Un jour, il saisit pourtant l’orgueil de sa démarche en entendant un luthier démontrer à son élève la bonne tension de la corde d’un instrument : trop de plaisir endort la conscience ; trop d’ascèse la rend trop aiguë.  Bouddha définit une « voie du juste milieu » et entame une semaine de méditation. Au cours d’une nuit, il fait l’expérience des vents karmiques polluant ses roues internes. Il a la vision des actes passés véhiculés par ces mémoires, de leur impact sur sa vie présente et les conséquences futures de ses réactions actuelles. Ces sont les fameuses « Trois Sciences ». Il définit ensuite ce lien entre les trois temps comme un cycle d’enfermement hypnotique : le « samsara ».

La nuit suivante, les mécanismes du samsara se révèlent à lui. Par ce que nous ignorons notre nature fondamentale, la présence de ces mémoires et vents karmiques sur nos roues internes nous conditionne, nous croyons alors en l’existence de notre individualité psychophysique selon une conception totalement aberrante. Or, cette erreur influe négativement sur les expériences des sens, la soif d’être et les prises de décision ; nous menant à la souffrance et aux renaissances conditionnées.

Le Bouddha explique le cycle infernal en ces termes :
« En dépendance de l’ignorance se produisent les moteurs karmiques d’existentiation (les mémoires). En dépendance des moteurs karmiques d’existentiation se produit la conscience discriminative (la saisie dualiste). En dépendance de la conscience discriminative se produit l’individualité psychophysique (la sensation d’être une forme et un moi propres, et que les objets ont une forme et un moi propres). En dépendance de l’individualité psychophysique se produisent les six bases de l’activité des sens (les cinq sens externes plus l'activité mentale). En dépendance des six bases de l'activité des sens se produit le contact avec les objets des sens. En dépendance du contact avec les objets des sens se produisent les sensations. En dépendance des sensations se produit la soif (cette chaleur interne qui nous brûle de désir). En dépendance de la soif se produit l’attachement. En dépendance de l’attachement se produit le devenir. En dépendance du devenir se produit la naissance. En dépendance de la naissance se produisent vieillesse, mort, chagrins, lamentations, peines, douleurs, désespoir. Ainsi s’élève dans le futur cette masse de malheur  ».

Bouddha réalise que ce cycle peut être inversé, pour faire cesser la souffrance, en une dynamique de Délivrance qu’il nomme le « Nirvana », l’extinction :
« Par l’extinction de l’ignorance, s’éteignent les moteurs karmiques d’existentiation. Par l’extinction des moteurs karmiques d’existentiation, s’éteint la conscience discriminative. Par cette extinction de la dualité, s’éteint l’individualité psychophysique. Par l’extinction de l’individualité psychophysique, s’éteignent les six bases de l’activité des sens. Par l’extinction des six bases de l’activité des sens, s’éteint le contact avec les objets des sens. Par l’extinction du contact avec les objets des sens, s’éteignent les sensations. Par l’extinction des sensations, s’éteint la soif. Par l’extinction de la soif, s’éteint l’attachement. Par l’extinction de l’attachement, s’éteint le devenir. Par l’extinction du devenir, s’éteint la renaissance. Par l’extinction de la renaissance, s’éteignent vieillesse, mort, chagrins, lamentations, peines, douleurs, désespoir. Ainsi est anéantie cette somme de malheur  ».

La clef de cette cessation de la souffrance, le Bouddha la décrit dans le sermon des Quatre Nobles Vérités en une roue à huit rayons et selon trois thèmes : la connaissance, l’éthique et la composition. La connaissance réside dans la justesse de vue, que l’on peut acquérir par la compagnie des saints, l’étude et la méditation, et qui se manifeste comme « Jnana », la juste connaissance discriminante et Prajna, l’intuition juste ou transcendante qui en résulte. L’éthique concerne les paroles que nous prononçons, les actes que nous commettons, les moyens d’existence qui sont les nôtres, et qui doivent être guidés par Jnana (le Dharma du Bouddha) et mieux au final, par Prajna (l’intuition transcendante à laquelle Mikao Usui attribut l’origine du Reiki).

Sont donc indiquées des séries d'actes qui sont prohibés par des vœux, tant que le pratiquant bouddhiste n’a pas atteint une Prajna suffisante lui permettant de réaliser le caractère temporaire des règles morales. La composition avec la vie est orientée sur notre attitude intérieure face à la réalité. Elle concerne la justesse de nos efforts, la qualité de notre attention et la puissance de notre concentration face aux formes du monde ; branches du Sentier qui prennent leurs racines dans l’éthique et le développement de Prajna.

Divers éléments apparaissent, dans la description du samsara et du Nirvana, que nous connaissons au travers de la culture chinoise : le cycle duodénaire rappelant les douze constellations du zodiaque et les douze méridiens internes du corps subtil humain ; la route à huit rayons s’identifiant au carré des éléments en Ming Tang et aux huit méridiens curieux. Le Bouddha aurait-il enseigné à une petite communauté, la Sangha de ses étudiants, les traits essentiels du culte impérial, apparu en d’autres temps en Chine et au Japon ?

Remarquons que le Bouddhisme déroge au cadre normal de la sédentarité, tout comme le Christianisme avec son offrande publique du dieu vivant. Ici, il ne s’agit pas d’un banquet permettant de laisser souffler nos instincts naturels entre intimes ou d’un rite symbolique d’anthropophagie. Le Bouddha, au contraire, initie une voie collective où les instincts sont mis au service de l’Eveil. On verra s’y développer dans les siècles suivants, avec les cultes indien d’Avalokiteshvara, tibétain de Tchenrézig ou japonais de Kuannon, des rites de partage de la conscience de la divinité de l’Ouest, Amitabha / Amida, entre disciples sous la forme d’une eau lustrale ; c’est à dire chargée de l’influence des astres. Amida est d’ailleurs un des acolytes de Mao-Son sur le site de Kurama-yama (la Triade de Mao-Son).

Dans le culte Shingon, le bestiaire céleste en dynamique de nirvana, de cessation de la souffrance, produira douze divinités bouddhiques de méditation. Ces dieux sont associés à des syllabes germes de A à Hum ; soit le son sacré Aum, la vibration totalisant l‘univers dans la cosmogonie de l‘Inde (noms japonais et sanscrits, lettres japonaises et sanscrites entre parenthèses et sans guillemets à la suite) :
1 - le Grand Maître de l'Illumination universelle, Dainichi Nyorai (Mahavairochana), le régent du Lion et du Mouton chinois (germe A, sanscrit Ah) ;
2 - le Roi de la Radiance, Fudo myo-o (Achala-Vajrapani), le régent de la Vierge et du Singe chinois (germe Kan, Sct Ham) ;
3 -  le Bouddha Sakyamuni (Ksitigarbha), le régent de la Balance et de l’Oiseau chinois (germe Baku, Sct Bhah) ;
4 - le Bodhisattva à la Splendeur Sans Pareil, Monju Bosatsu (Manjusri), le régent du Scorpion et du Chien chinois (germe Man, Sct Mam) ;
5 - le Bodhisattva à la Beauté Universelle, Fugen Bosatsu (Samanthabadhra), le régent du Sagittaire et du Cochon chinois (germe An, Sct Am) ;
6 - le Bodhisattva Gardien de la Terre, Jizo Bosatsu (Ksitigarbha), régent du Capricorne et de la Souris chinoise (germe Ka, Sct Ha) ;
7 - le Bodhisattva à la Grande Diligence, Miroku Bosatsu (Maitreya), le régent du Verseau et de Bœuf chinois (germe Yu, Sct Yu) ;
8 - le Bouddha de Médecine, Yakushi Nyorai (Baishaijyaguru), le régent du Poisson et du Tigre chinois (germe Bai, Sct Bhai) ;
9 - le Bodhisattva à la Grande Compassion, Kannon Bosatsu (Avalokitésvara), le régent du Bélier et du Lièvre chinois (germe Sa, Sct Sa) ;
10 - le Bodhisattva à la Grande Force, Dei-Seishi Bosatsu (Mahasthamaprapta), régent du Taureau et du Dragon chinois (germe Saku, Sct Sah) ;
11 - le Grand Lumineux Éternel, Amida Nyorai (Amitabha), le régent des Gémeaux et du Cheval chinois (germe Kiriku, Sct Hri) ;
12 - le Grand Pur et Immobile, Ashuku Nyorai (Akshobbhya), le régent du Cancer (germe Un, Sct Hum), du Serpent chinois et de la figure de la destinée (Yin Yang).

Cette science astrologique curieuse a donné lieu à toutes sortes de conjectures sur l’origine des symboles du Reiki. Toutefois, c’est probablement dans le système des éléments, et non dans le cycle duodénaire, qu‘il conviendrait de chercher. En effet, les cinq germes Om, Ah, Hum, Hri et Tram, qui correspondent aux cinq éléments de la cosmogonie chinoise et à ses dix Troncs, sont la structure géométrique et sonore de l’univers que les tantristes utilisent pour établir une connexion avec le tout.

Et les symboles Force et Mental du soin psychique de Reiki sont de nettes déformations des caractères sanscrits tibétains Om et Ah du texte ; et non un idéogramme sino-japonais comme les symbole du Pont ou du Temple de la Lumière. Les symboles du Reiki relèveraient-ils ici d’une certaine subjectivité de leur créateur, c’est à dire d’une déformation de l’écriture sanscrite Devanagari (ou langue des étoiles) ? La question est posée, car si les symboles sont une manière japonaise de noter quatre des cinq Eléments, il reste à détemriner ce que cela signifie.
 
La vision de soi et du cosmos en cinq Eléments dans le Reiki.

Les cinq Eléments dont s’agit, sous forme de mantras, mandalas et mudras, sont également interprétés, dans la science psychologique énoncée par le Bouddha au texte de l’Abidharma, sous la forme de cinq agrégats ou amoncellements. Ces cinq agrégats sont les suivants :

1 - « vijnana », la conscience ou connaissance discriminante, invite le sujet à se voir et à voir les objets du monde comme distincts les uns des autres, voire doués d’une entité autonome. Cette conscience discriminante ne peut surgir que d’accumulation en accumulation d’expériences tendant à valider l’idée d’autonomie totale de tous les êtres. Bouddha réagira contre cette illusion, à la base de tous les égoïsmes, en affirmant l’idée d’interdépendance (cycle duodénaire) et indiquera comment les êtres et les sociétés sont liés entre eux et dépendants les uns des autres (l’optique est ici spirituelle et non limitée au matérialisme comme dans l’écologisme moderne) ;

2 - « samskara » sont les facteurs d’existence nés de l’impact subtil des événements et des actions commises par un sujet ou une collectivité et à partir desquels se détermine l’intellect de chaque être. Selon le Bouddha, les mémoires enregistrées subtilement par notre corps et notre conscience agissent sur notre santé et notre comportement dans un mécanisme appelé samsara. Ce deuxième amoncellement dépend du premier, une fois que l’être s’imagine doté d’une entité distincte et non reliée à autrui, il discrimine les objets du monde et cette discrimination s’opère sur la base des vents karmiques inscrites dans son anatomie subtile ;

3 - « samjna » est traduit généralement par perception. Une fois que l’être se croit individué, qu’il s’inscrit dans son environnement sous l’influence inconscience des actes du passé, il va développer une pseudoscience, empirique, à partir de ses expériences et va créer un corpus de notions ou de perceptions conceptuelles personnelles. Ce corpus lui est propre, il s’agit d’une théorisation de sa propre expérience et de la façon de son moi de s’inscrire dans le monde. Le Bouddha a parlé de non-science ou nescience, c’est à dire d’imposture sapientielle ;

4 - « rupa » est la forme grossière, subtile ou très subtile que prend la manifestation. Une fois que l’être se croit individu, que sa conscience polluée par les traces subtiles du passé théorise sur le monde, il voit les formes extérieures comme distincte de lui (non reliées), de telle ou telle nature en fonction de son expérience et de la façon dont il l’a théorisée. Dès lors, les objets observés ne sont pas vus mais perçus subjectivement. Enfermé dans cette subjectivité, l’être croit le monde tel qu’il le perçoit et non tel qu’il est. Par exemple, un morceau de corde laissé dans un chemin peut faire croire en la présence d’un serpent et susciter toutes sortes de réactions émotionnelles chez celui qui croit le serpent et lui-même totalement distincts, qui a fait l’expérience de la morsure (on en a entendu le récit) et qui en a conclu que le serpent était un mal absolu, à éliminer de son champ d’expérience. Dans ce cas, la notion de forme conditionne totalement la conscience et l’action (réaction) du sujet ;

5 - « vedana » est le sentiment ou la sensation suscitée par la forme ; c’est à dire à proprement parler l’effet subtil produit sur le système nerveux et endocrinien du sujet par tout affect dans son champ de conscience.

En plaçant les agrégats dans un carré sur le modèle du Ming-Tang et en les mettant en relation avec les cinq planètes du système solaire et les douze constellations du bestiaire céleste telles qu’elles se positionnent à la naissance d’un individu, l’astrologue bouddhiste détermine le destin de celui qui le consulte. Au Tibet, cette consultation de la quadrature du cercle s’opère selon cinq constantes en relation avec les cinq Eléments :
1 - le « sRog » correspond aux gouttes d’espace envisagées plus haut et est notre potentiel d’expression fondamental ;
2 – le « rLoung » est l’équivalent du Tchi chinois ;
3 – le Wang Thang » est notre force de volonté, notre Empereur intérieur ;
4 – le « Bla » est une mystérieuse essence de vie qui, à notre naissance, se dédouble en s’établissant pour moitié dans notre corps et pour moitié dans un lieu précis de la Terre ; et
5 – « Lu » est notre corps physique.

L’astrologie nous conditionne t-elle ainsi irrémédiablement ? Le Ciel ordonne, dit-on. Toutefois, l’homme dispose et au Tibet, le psychologue bouddhiste, toujours selon la même figure astrologique du Ming-Tang, va analyser la maladie mentale pour y trouver des réponses thérapeutiques selon les vues du Tantrisme. Sa science décrit trois sphères fondamentales de l’être : le monde extérieur de notre environnement, le monde intérieur de nos perceptions et le continuum spatial qui leur est sous-jacent et qui les interpénètre. Ce continuum spatial se manifeste à travers cinq champs d'énergies primaires : la solidité de la terre, la fluidité de l’eau, la combustion (ou chaleur) du feu, la mobilité du vent, et le vide (ou l’espace) sans contenu.

Le moyen de la guérison sera, non pas de nous débarrasser de nos problèmes ou de nous droguer ; mais de les transformer en reconnaissant en eux une manifestation impure des cinq Eléments. Dans cette thérapie curieuse, le moi est alors analysé comme composé de l’énergie des Eléments ; plutôt que de cette collection de névroses, d'anxiétés et d’habitudes qui nous sont tellement familières que nous nous identifions à elle.

L’analyse est très pragmatique et s’inspire des textes originels du Bouddhisme. Pour le Bouddha, en effet, la souffrance naît de la croyance en un moi fondamental ; alors qu’en réalité notre individualité est un amoncellement des cinq Eléments et de vents karmiques. La dernière nuit de son Eveil, Bouddha passera en revue les vues fausses et leurs conséquences pour définir les vues justes pouvant être transmises comme doctrine à sa communauté. Revenir aux Eléments tels qu’ils sont intrinsèquement est, dans ce cadre, un moyen d’éliminer l’emprise des vents karmiques sur les roues internes et la conscience ; sans avoir à identifier une par une les causes de nos souffrances par une analyse psychologique verbalisante de type freudien.

La méthode tantrique consiste à démasquer notre conception d’autrui et de nous même, lorsque nous ignorons que le moi est un simple agrégat d’Eléments et de vents karmiques. Ignorant les éléments Espace, Air, Feu, Eau et Terre, nous nous croyons alors :
1 - un espace défini (moi) ;
2 - un souffle continu (ma vie, mes vies) ;
3 - séparé d’autrui et non pénétré par toutes sortes d’influences, comme la chaleur du feu, émanant de l’univers ;
4 - permanent, alors que comme l’eau passant du liquide, à la glace ou à la vapeur, nous nous modifions constamment du moment de notre naissance à celui de notre mort ; et
5 – solide, alors que notre être est une collection d’Eléments.

Sur ces premières impressions, notre conscience va se désaxer et réagir aux distorsions qu’elle a produites. Le fait de nous sentir défini d’un point de vue spatial engendre un sentiment de perte d’espace. En s’aggravant, cette impression conduira à nous sentir écrasé et accablé dans un monde menaçant, avec au final une réaction dépressive. Enfermés sur nous-même, nous ne pouvons plus donner d’amour, nous ne pouvons plus nous préoccuper d’autrui, nous avons perdu toute intelligence à nous projeter dans une autre situation. Ce blocage se manifestera par une forte colère, contre nous même puis contre le monde entier. Pourtant, le premier principe du Reiki enseigne « aujourd’hui, juste aujourd’hui, pas de colère ».

Le fait de nous sentir continu, comme un souffle sans fin, engendre une certaine sécurité abusive, source de paresse. S’en suit un ralentissement dans le rythme de nos décisions. Comme la Terre continue à tourner sans nous, cet immobilisme produitra à un moment ou un autre une prise de conscience. Cet événement donne une base à un sentiment de vulnérabilité, à des pensées anxieuses pouvant aller jusqu’à la paranoïa. Dès lors, notre mental s’embarque dans une analyse excessive de l’environnement dans le but de nous sécuriser. Mais cette stratégie est vouée à l’échec. Nous devenons de moins en moins confiant, empli de craintes de toutes sortes. Pourtant, le second principe du Reiki enseigne « aujourd’hui, juste aujourd’hui, pas de soucis ».

Le fait de nous sentir séparé d’autrui justifie un certain manque de chaleur envers ceux qui ne nous conviennent pas. Ils sont ainsi à nos yeux lorsque nous ne parvenons pas à nous mettre à leur place ; ce qui ne manque pas de les rendre parfois menaçants. L’échange naturel entre individus s’en trouve déséquilibré et nous nous enfermons dans une impression que personne ne nous comprend, que nous sommes seul. Pour nous sécuriser, nous nous attachons à nos biens, à nos créations psychiques et nous perdons toute compassion. Difficile alors d’éprouver la gratitude d’être en vie que nous devrions ressentir en considérant le sacrifice des plantes et des animaux qui nous nourrissent. Pourtant, le troisième principe du Reiki enseigne « aujourd’hui, juste aujourd’hui, je serai dans la gratitude pour tout ce que la vie m’offre ».

Le fait de nous croire permanent, alors que toutes les cellules de notre corps actuel auront été remplacées en moins de sept ans, engendre une certaine opacité entre la réalité, en reformulation constante, et nous. Nous sommes tiraillé entre passé et futur ; plus très présent à la situation actuelle. Il peut en résulter un certain sentiment d’impuissance à gérer le quotidien : nous errons ressassant nos souvenirs, perdu dans nos rêves. Puis ensuite viennent diverses peurs, une fois le retour au réel opéré. Nous tentons de compenser le temps perdu par plus de la témérité, voire de l’agressivité envers autrui. Perdant à notre tour toute clarté de ce qu’il convient de faire, résultat de notre propre opacité à nous-même, nous en venons à concevoir des plans pas très honnêtes de gagner notre vie ou tout du moins relevant de la facilité (jeux de hasard, perte de tout scrupule). Pourtant, le quatrième principe du Reiki enseigne « aujourd’hui, juste aujourd’hui, je travaillerai avec honnêteté ».

Le fait de nous sentir solide engendre une certaine dureté envers autrui. Nous nous affirmons en tant qu’ego et exigeons des rapports adultes, sans place pour la compassion, la tendresse et la joie. Autrui devient insignifiant, ou alors, c’est à nous-même que nous n’accordons plus rien. Toute notre activité est orientée vers la recherche de pouvoir et de solidité … mais le seul pouvoir est celui que l’on peut exercer sur soi. Le monde est impermanent, il nous échappe sans cesse. Les empires s’écroulent tous un jour et ne laissent qu’un océan de souffrances derrière eux. Nous en devenons indifférent au monde, à nous-même, alors que l’équanimité aurait pu nous apporter une certaine flexibilité, facteur de joie, et une compassion sans faille pour autrui. Pourtant, le cinquième et dernier principe du Reiki enseigne « aujourd’hui, juste aujourd’hui, je serai bon avec quiconque ».

Cette conception du moi selon le Bouddhisme a certainement inspiré Mikao Usui dans la formulation des Cinq Principes du Reiki. La stèle de Saihoji indique :
« Avec le recul, le Reiho ne proposait pas seulement de soigner les maladies, mais aussi de travailler sur la conscience en prenant pour base le corps. Ainsi, Mikao Usui espérait que les gens puissent expérimenter le bonheur de vivre. Lorsque les étudiants commençaient le Reiki, on leur enseignait en premier le code de conduite (…) On le répétait matin et soir sous la forme d'une chansonnette, qui nous permettait de garder en tête les cinq principes suivants :
1. nous disons, aujourd'hui pas de colère ;
2. nous disons, aujourd'hui pas de souci ;
3. nous disons, aujourd'hui de la gratitude ;
4. nous disons, aujourd'hui travaillons avec honnêteté ;
5. nous disons, aujourd'hui soyons bons envers tous  ».

On retrouve dans cette formule un résumé des considérations portées plus haut sur les Eléments composant notre moi et la manière dont ils se distordent pour produire la maladie mentale, et la souffrance qui en résulte. Les Cinq Principes du Reiki apparaissent, à cette lumière doctrinale, comme un moyen, en apparence faussement naïf, de neutraliser ces distorsions élémentales et de manifester une conscience dotée des cinq qualités prêtées aux Bouddhas transcendantaux : une intelligence omniprésente, une confiance inébranlable, une compassion sans limite, une clarté absolue et une équanimité sans faille.

Transformer un Empereur en Bouddha, selon la vue du Reikiki, c’est donc agir pour que la capacité impériale, à capter les informations venues de l’univers et à les médiatiser au profit de tous, ne soit pas seulement l’objet d’une fonction sociale mais une manière habile de produire en soi un état sublime de conscience. Etat sublime que les forces de la nature, les Kamis, inspirent à ceux qui les contemplent dans la paix du cœur et que le Bouddhisme attribue aux Bodhisattvas et aux Eveillés.

On retrouve ici l’idéogramme générique du Reiki, qui invite à médiatiser les influences célestes dans le corps subtil du pratiquant. Et pour se faire, comme l’indique Mikao Usui :
« Pour intégrer mes enseignements et mes entraînements et en faire l’expérience physiquement et spirituellement, et également pour vivre avec droiture sa condition humaine, nous devons premièrement soigner notre façon de penser. Deuxièmement, nous devons garder notre corps en bonne santé. Si notre façon de penser est saine et conforme à la vérité, le corps conserve naturellement sa bonne forme. La mission de la méthode de soin naturel Usui est de conduire à une vie paisible et heureuse, pour soi-même, et d’inviter également à soigner autrui et à lui procurer du bien-être ».

Il reste que nous n’avons pas cette sagesse et que nous développons en permanence notre ego. Pour transformer cette compulsion en dynamique d’Eveil, les sages ont inventé une méthode d’intégration de notre égoïsme, que les pratiquants de Reiki ont tout intérêt à intégrer.

L’astrologie tibétaine montre comment, par la distorsion par les vents karmiques des cinq Eléments constitutifs de notre conscience, neuf types d’ego vont se manifester. Au lieu de se projeter dans un carré magique (le Ming-Tang) à neuf cases, la croix des cinq éléments explose sur le cercle du cycle duodénaire, formant neuf points de contact que sont les ego-types. On a parlé de circulature du carré.

Par exemple, la distorsion de l’élément espace va directement engendrer le type dit « Lha » du perfectionniste. Nous avons indiqué plus haut que le fait de nous sentir défini d’un point de vue spatial engendrait un sentiment de perte d’espace. En s’aggravant, cette impression conduira à nous sentir écrasé et accablé dans un monde menaçant, avec au final une réaction dépressive. Enfermés sur nous même, nous ne pouvons plus donner d’amour, nous ne pouvons plus nous préoccuper d’autrui, nous avons perdu toute intelligence à nous projeter dans une autre situation. Ce blocage se manifestera par une forte colère, contre nous même puis contre le monde entier. L’ego type qui se forme est fondé sur le perfectionnisme, et portera donc le qualificatif de « perfectionniste ». Pour lui, la colère a résulté d’une mauvaise définition initiale. Pour répondre à la perturbation spatiale, il a la volonté de définir parfaitement l’espace. Il n’est en conséquence jamais satisfait, la souffrance et la colère réapparaissant constamment. Il devra apprendre la patience.

Ainsi de suite, chacun des éléments va créer un type d’ego pur puis des ego-types intermédiaires. Ce sont au complet les types :
« 1 – Lha, du perfectionniste ;
    2 – Du, du sauveur ;
    3 – Senmo, du dynamique ;
    4 – Lou, du romantique ;
    5 – Sadak, du cérébral ;
    6 – Gyalpo, du loyaliste ;
    7 – Tsen, du jouisseur » ;
    8 – Lah, du chef ;
    9 – Mamo, du médiateur ».

Chaque ego-type entretient à son tour, avec les autres ego-types, des modes de relation engendrant intégration ou désintégration du type, selon que les qualités ou les défauts du type sont stimulés.

Cette vision a certainement inspiré la technique de l’Ennéagramme, doctrine issue de l‘enseignement du chaman Gurdjieff qui l’avait emprunté au Soufisme et aux Pères chrétiens du désert. Elle est actuellement confisquée par un copyright américain au profit d’une école de psychologie. Nous donnons ici sa version tibétaine, extrêmement antérieure ; les Tibétains disent l’avoir héritée des Mésopotamiens avec leur astrologie.

Cette dernière remarque nous conduit à dresser les traits principaux de ce Boeun tibétain ou « Bön », venu du Moyen Orient et que les Chinois appellent « Yi », les désignant comme les auteurs des fondements de leur civilisation. Cette tradition quatre fois millénaire, à laquelle nous avons fait plusieurs fois allusion au cours de notre ouvrage, véhicule en effet un résumé particulièrement pertinent des principaux éléments de la doctrine impériale boréale: le cycle duodénaire des douze constellations, les cinq éléments issus des grandes planètes du système solaire et le carré à neuf cases des cycles de la Lune. Soit en interne : les douze méridiens des organes majeurs, les cinq loges du Tchi et les huit méridiens curieux de l’acuponcture.

Par une imagerie en Douze Actes , dont un exemplaire figure au musée Guimet de Paris, les descriptions des scènes du récit de la vie du parfait Bouddha Tönpa Shenrab Miwo sont une allégorie du cycle duodénaire et des remèdes permettant à un homme ordinaire de dépasser sa condition d‘être biologique. L’exemplarité de la vie de Shenrab est un modèle que l’on peut suivre et n’est lié à aucune croyance, ni à aucune appartenance. C‘est un chemin de vie car la relation de santé fondamentale avec son environnement développée Shenrab fait naître un véritable bon sens et une authentique sagesse.

Les Neuf Voies du Boeun qui en résultent, et on retrouve ici le Temple de la Lumière, présentent un caractère universel qui ne se limite pas à la seule sphère de la tradition du Boeun mais est valable pour tout un chacun. Tönpa Shenrab Miwo propose un ajustement de la perception. Cet ajustement se réalise par le déchirement du voile de l’illusion ou de l‘ignorance qui nous afflige.

La méthode est la suivante. Premièrement, ne pas gaspiller sa vie précieuse. Deuxièmement, réaliser quelles sont ses propres limitations pour arriver à les sublimer.

Ne pas gaspiller sa vie est illustré par le choix opéré par Shenrab. Réaliser quelles sont nos limitations s’appuie sur une étude de la manière que nous choisissons de percevoir la réalité. En effet, notre perception détermine la matérialisation, dans les formes du monde, de notre conception de la réalité. La vision cyclique des existences (la renaissance) au travers de six domaines de samsara nous montre comment six types de vision ou de perception du réel engendrent l’expérience que nous en avons. Ces six mentalités sont six cercles vicieux nous empêchant d’en transcender la création. Elles sont les mentalités d’orgueil divin, de jalousie titanesque, d‘ignorance humaine, de stupidité animale, de désir sans soif et de colère infernale. Le Bouddha reprend ces thèmes à l‘identique, mais un millénaire plus tard.

La vison du monde, prédominant dans notre mentalité, construit notre réalité. Pointer du doigt la manière dont nous nous sommes illusionnés par les vents karmiques, met à jour nos propres conditionnements et limites, nous fait reconnaître notre égarement et l’accepter, puis vouloir y remédier. De là, nous pouvons nous libérer nous-même. Les six attitudes mentales font la différence entre un être ordinaire et un être éveillé, ou Bouddha. Être un Bouddha signifie alors se débarrasser de ce qui obscurcit notre vision saine de la réalité.

Notre vision de la réalité influe sur notre relation au cycle duodénaire ; c‘est à dire au temps qui passe dans les douze mois de l‘année et en conséquence l‘énergie de la vie dans notre corps pendant cette même période. Cette relation au temps détermine la scission entre l’égarement et le retour à la sagesse primordiale, entre le samsara ou le nirvana. On retrouve ici l’intégralité de l’enseignement du Bouddha Sakyamuni, postérieur d’une dizaine de siècles.

Le douzième Acte de Shenrab décrit poétiquement les conséquences du retour à une vision pure du temps, affranchi des six mentalités :
« La sphère unique au-delà du dualisme de la naissance et de l’interruption.
Dans la dimension de l’espace non né demeure la sagesse ininterrompue.
Tiglé (nda. goutte d‘élément espace) unique de l’état non-né ininterrompu.
Tiglé unique de la réalisation, quelle merveille  ! ».

Ces vers sont incompréhensibles pour qui n’a pas fait cette expérience du tiglé, de cette goutte d’élément espace, comme Mikao Usui indique l’avoir lui-même vécu sur le Mont Kurama en 1922. Pour y parvenir, le Boeun propose neuf marches qui sont les suivantes. Nous les énumérons car elles présentent une singulière similitude avec les connaissances de Mikao Usui telles qu’elles sont gravées sur la stèle funéraire de Saihoji et les neuf égo-types. Elles sont (le mot Shen désignant un pratiquant du Boeun) :
1 - la voie de la prédiction et des oracles, contenant quatre méthodes de prédiction : sortilège, calcul astrologique, rituel, diagnostic médical.
2 - la voie du Shen visuel, la plus longue et la plus difficile, traitant de l’invocation des dieux et l’apaisement des démons de ce monde.
3 - la voie du « Shen » de l’illusion, traitant des rites pour se débarrasser des ennemis de toutes sortes.
4 - la voie du Shen de l’existence, traitant des êtres dans l’Etat Intermédiaire («bardo ») entre la mort et la renaissance et les façons de les guider vers le salut.
5 - la voie des adhérents vertueux, faisant référence à ceux qui suivent la pratique des dix vertus et des dix perfections et ceux qui construisent et vouent un culte aux stûpas.
6 - la voie des grands ascètes, stricte discipline ascétique.
7 - plus intéressante pour le Reiki vient ensuite la voie du pur son. Elle est la pratique tantrique la plus haute. Elle donne un très bon compte-rendu de la théorie tantrique de transformation à travers le mandala. Elle fait référence brièvement à l’union de la Méthode et de la Sagesse comme réalisée par le pratiquant et sa partenaire féminine.
8 - la voie du Shen primordial traitant du besoin d’un maître approprié, un partenaire convenable et d’un site convenable. Le processus de méditation est raconté et le processus de réalisation est décrit comme étant l’état « supra rationnel » du sage parfait. Son attitude peut être souvent perçue de façon erronée ; vécue comme celle d’un homme fou.
9 - la voie suprême décrivant l’absolu en référence à la base               («gzi ») à partir de laquelle sont dérivées à la fois la libération et l’illusion. La libération est interprétée comme l’état de Bouddha, avec les cinq éléments en harmonie et pureté, et l’illusion vue comme la distorsion des cinq éléments engendrant les conceptions fausses des êtres errants dans le bardo. La voie est alors décrite comme la conscience dans son état absolu et parfait. Le sujet complet des enseignements de cette grande perfection (Dzogchen) de l’état de Bouddha est alors résumé sous les quatre intitulés de perspicacité, contemplation, pratique et réalisation.

Les expériences vécues dans cet état de Dzogchen peuvent également s’appliquer aux faits décrits par Mikao Usui dans sa quête du Reiki. Le texte boeun suivant en est révélateur :
« D’abord, la vision augmentera : on la voit comme la propagation du mercure (nda. rappelons que le terme de tanden utilisé par Mikao Usui dans le Hikkei signifie champ de cinabre, un des états chimiques du mercure).
Alors la vision deviendra plusieurs visions : on voit les roues de lumière des cinq familles de Bouddhas ; on voit les cercles (en forme de) demeures célestes de lumière.
Alors la vision s’étendra : on voit le mandala des cinq familles de Bouddha (nda. rappelons qu’à Kurama-yama, Mikao Usui aurait vu une grande lumière le frapper).
Alors la vision sera totale : on voit le mandala du Mudra spontané ; on voit le paradis de lumière (le symbole d’initiation au Reiki invoque cette lumière).
Alors la vision finale apparaîtra. Les lumières (que l’on voit) seront celles de notre Intellect. Elles sont sans substance comme la réflexion de la lune dans l’eau. Ces visions sont ultimement (comprises comme) irréelles et rien d’autre mais celles de son propre esprit. La véritable nature de la vision comme étant erreur est alors divulguée et on ne sera plus trompé par elle  ».

Mikao Usui semble, comme Shenrab du Bœun et Sakyamouni du Bouddhisme, avoir compilé diverses expériences initiatiques et avoir vécu les aspects sociaux puis, en réaction, extra-sociaux de sa civilisation avant de formuler une éthique et des techniques susceptibles de transmettre son expérience à autrui. Son enseignement, comme celui du Bouddhisme, est le reflet de règles que l’anthropologie décrit comme une nécessité universelle du passage du nomadisme à la sédentarité ; règles que le Bœun a conservé depuis plusieurs millénaires au sommet de l’Himalaya pour en influencer l’Inde, la Chine, la Mongolie, le Japon et maintenant l’Occident par le biais du Reiki.

Toutefois, et pour autant que ces règles aient eu une influence considérable sur l’organisation sociale humaine depuis plusieurs millénaires et soient du plus grand intérêt intellectuel, le mouvement du cosmos les rend caduques dans les deux hémisphères. Elles constituent donc un archaïsme ; ce qui tend à expliquer pourquoi les sociétés traditionnelles ont toutes disparu et que la modernité a partout et si vite distillé son venin .

En tant que tel et parce qu’il rend ces règles visibles et donc compréhensibles, le Reiki prend place dans le mécanisme de dévoilement propre à chaque fin de cycle, selon les cosmologies traditionnelles, et contribue à cette « apocalypse » finale dont elles font état, avant une nouvelle ère pour l’humanité. Le Reiki pourrait donc avoir pour vertu de rendre visible l’architecture de notre environnement et de notre intériorité pour la nouvelle ère d’humanité annoncée, et, par consèquence, offrir le moyen de réaliser un pont entre ces deux pôles … sans le poids du passé. C’était d’ailleurs l’ambition prophétique de Mikao Usui, telle qu’il l’énonce dans l’introduction de son manuel de soin et que rappelle la stèle de Saihoji :
« Depuis quelques temps, le monde est en mutation. Si le Reiki peut-être diffusé à travers la planète, il sera une aide pour les gens dont la conscience est devenue confuse et qui se détruisent dans l’inconduite. A coup sûr, le Reiki n’est pas seulement un moyen de traitement des maladies chroniques et des mauvais penchants (…) Bien que Mikao Usui ait maintenant trépassé, le Reiho continuera à se répandre et à être connu dans le futur. Ah, ah ! Quelle grande chose ce Reiki, que le maître Usui nous a légué et a partagé avec nous ! ».

Il reste que le rôle du praticien de Reiki doit être éclairé et que le Bouddhisme en fournit un excellent modèle dans la figure du Boddhisattva. Les enseignants ont également tout intérêt à expliquer la portée des cinq Principes, à ne pas les déformer, ni en ajouter d’autres, comme on le voit dans de nombreuses écoles occidentales. Il est vrai que le choix s’opère soit de les pratiquer et d’attendre de les réaliser ; soit d’en donner le sens et d’en souligner les mécanismes. Mais il faudra alors faire appel à la doctrine bouddhique. 

 

L’idéal du boddhisattva, comme modèle du praticien de Reiki.

Le Shingon et le Tendaï, comme toutes les autres écoles du Bouddhisme Mahayana, ont fait leur l’idéal du bodhisattva, « bosatsu » en japonais, consacré à la protection et à croissance spirituelle de tous, y compris au prix de sa propre souffrance. La méthode consiste à comprendre, réaliser et pratiquer dans la vie quotidienne, l’Octuple Sentier préconisé par le Bouddha Sakyamuni.

Le respect d’une éthique est un moyen essentiel dans la voie vers à l’Eveil pour vivre en harmonie avec le monde et faire aboutir toute pratique spirituelle. Autrement dit, il ne suffit pas de répéter des mantras ou de pratiquer la méditation pour compenser une conduite incorrecte, perturbant les autres et soi-même. Le respect d’une éthique permet d’évaluer sa maturité spirituelle, indépendamment de son érudition.

Cependant, si le désir de ne pas nuire aux autres est primordial, il demeure insuffisant pour progresser spirituellement. Le service aux autres permet de grandir à leur contact. S’intéresser à ses semblables en leur consacrant du temps et de l’énergie concrètement ou par la prière est un astucieux moyen de sortir du cercle vicieux des préoccupations égocentriques. Il ne s’agit pas de perdre le sens des réalités pour une vision idéaliste du monde, ne pensant qu’à sa propre évolution spirituelle ou matérielle, ce qui est le plus sûr moyen de s’enfermer dans une attitude dualiste. Cette attitude est source de conflits avec autrui, de rivalités avec les autres adeptes, de frustrations intérieures et de ressentiments vite extériorisés … et complètement opposée à la psychologie bouddhique tendant à dépasser l‘ego, pour elle une maladie mentale.

Le fait que la source de la vie soit unique, la même pour tous, nous rapproche des uns des autres dans la méditation. Méditer, c’est donc développer une intense compassion pour les êtres, au-delà de leurs formes et de leurs apparences telles que nous les percevons. La distance n’existe pas dans cette expérience ; l’individualité y étant alors démasquée par une intuition et une sensation réellement vécue de l’interdépendance de tous les êtres.

Dans le Shingon, on utilise la formule « Kaji-kanno » pour désigner ce lien mystérieux qui relie le cœur des êtres entre eux en tant que Bouddhas potentiels. On retrouve ici le sens du symbole le Pont de l’Okuden et son intention d’opérer un lien entre êtres humains sur la base de notre état fondamental de Bouddha.

Lorsque nous devenons conscients que l’état de notre conscience influe plus ou moins à distance sur tous les êtres, du fait de l’interdépendance, nous nous sentons plus encore responsable de notre propre état intérieur. Du point de vue spirituel, être est équivalent à agir, et même plus encore. Une manière efficace d’aider et de s’éveiller spirituellement consiste donc à demeurer en bonne santé pour pouvoir cultiver en soi des sentiments et des pensées bénéfiques qui rejailliront sur autrui.

Un maître du Shingon, Matsumoto Jitsudo, livrait ce commentaire :
« La joie fait venir le bonheur ; le mécontentement et l’insatisfaction le font fuir  ».

La vie spirituelle proposée dans les degrés supérieurs du Reiki consiste, de la même façon, à nous imprégner de la force de vie de l’univers pour en faire bénéficier tout le monde autour de nous par nos pensées et, au travers de notre corps, par nos mains. Maître Aoki-Yuko, toujours empli d’énergie malgré ses 94 ans, affirmait :
« Il ne s’agit pas de faire davantage, d’avoir davantage, d’être davantage ; mais de cultiver le lâcher prise, l’action de bonté, la reconnaissance, et de s’émerveiller de ce que manifeste le Bouddha pour nous, partout et à chaque instant. Il faut vivre sa vie patiemment, pas à pas. Ainsi, nous aurons le cœur rempli de joie de vivre. Ainsi, tous les poisons de la colère, de la jalousie, de l’envie disparaîtront. Ainsi, nous vivrons longtemps et en bonne santé  ».

Chasser les émotions perturbatrices et les pensées conflictuelles par une éthique de vie peut, cependant, inspirer des doutes et des peurs. En Occident et jusqu’à l’introduction du Bouddhisme, l’éthique s’était manifestée sous deux formes: soit celle des grandes religions théistes ; soit celle des philosophies platonicienne et kantienne.

Pour les croyants, l’éthique est une loi divine : Lois de Manou indiennes, Halaka de la Thora juive, Tables de la Loi chrétiennes et Sharia de l’Islam. La plupart de ces injonctions tombent sous le sens (ne pas voler, ne pas faite à autrui ce qui nous semblerait source de souffrance pour nous-même, etc). Toutefois, certaines de ces lois divines vont à l’encontre du bonheur (la loi du talion, par exemple) et d’autres nuisent à autrui (lapidation des femmes adultères, supplice au bûcher les blasphémateurs, empalement des homosexuels, etc).

Pour les philosophes, l’éthique a pour base le « monde des Idées ». Par exemple, pour Platon, c’est l’idée du Bien ; pour Kant, celle du Devoir. Plus, l’homme se rapproche de ces idées et plus il accède au bonheur.

Pour le Bouddhisme, de telles notions sont une construction mentale n’engageant que l’homme les formulant. Si le Bien et le Devoir existaient de manière séparée de l’homme et subsistaient par eux-mêmes, ils seraient irréalisables pour l’homme et peu réaliste de vouloir les acquérir. On ne voit pas non plus comment la connaissance de ces idées pourrait être en elle-même d’une quelconque utilité pratique pour quiconque. De même, avoir une idée sûre du Reiki n’apporte rien si l’on en obtient pas l’initiation et si l’on n’a pas l’occasion de l’exercer. La pensée sans l’action pratique est vaine.

Ainsi, au contraire des dogmes religieux et des spéculations philosophiques, l’expérience du Bouddha nous enseigne que le mal n’est pas une puissance démoniaque extérieure, ni le droit exercé sur nous par de grands principes cosmiques. Tout se passe dans notre tête et dans notre cœur. La compassion pour autrui est le reflet de la nature profonde de notre conscience. Cette compassion étant en nous, nous pouvons l’atteindre. Si nous en sommes séparés, c’est par l’ignorance et de la confusion générées en nous par les vents karmiques.

Ceux qui ont cherché une source du Reiki dans telle ou telle tradition ont eu sans doute raison, du point de vue de l’histoire des religions. Toutefois, ils ont oublié que la sagesse est intemporelle et n’appartient à aucun lieu en particulier, elle est universelle. Et c’est ce caractère d’universalité que revendique le Reiki. Raison de plus pour ne pas l’enfermer dans telle ou telle tradition, ou de lui inventer un contenu doctrinal farfelu – comme le fait le new-age – dont il n’a pas besoin.

Toutefois, et à cause de l’état présent d’égarement mental des Occidentaux, il est sans doute prudent de donner aux étudiants un cadre de référence. Le Bouddhisme et le Shintô du Japon, ou encore le Taoïsme de Chine ou le Samkhya de l’Inde, pourraient ainsi pâlier aux carrences des formes occidentales de la méthode. Reste à trouver des enseignants de Reiki qui puissent être capables d’une telle précaution. Et ces derniers sont rares.

L’enseignement complet des cinq Principes du Reiki, par exemple, suppose une bonne connaissance de la doctrine de la vacuité, énoncée au Sûtra du Cœur. Il conviendrait sans doute que les enseignants se contentent d’enseigner la méthode, sans explication aucune et comme cela se fait au Japon, plutôt que de se lancer dans des explications farfelues tirées d’ouvrages de la littérature occultiste ou spiritualiste. Le dommage est alors double, trahir l’esprit du Reiki d’un côté et introduire des idioties de l’autre.

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