Reiki et Bouddhisme

Le Reiki et le Bouddhisme

Reiki et Tendaï


 

Reiki, une transposition ésotérique du Bouddhisme Tendaï ?

Nous avons décrit certains aspects techniques (comme les symboles) et doctrinaux du Reiki, où diverses influences possibles du Bouddhisme Shingon se faisaient sentir.
Nous avons ensuite constaté que les éléments de la retraite de Mikao Usui se retrouvaient dans le Zen. Dans les deux cas, on ne peut conclure formellement que le Reiki est le fruit du Bouddhisme. Mikao Usui indique d’ailleurs, dans son manuel de soin, n’avoir reçu sa méthode Reiki de quiconque. Ce n’est donc pas une transmission dans la lignée du Bouddha.

Mikao Usui indique qu’il a découvert son pouvoir de guérison accidentellement, lors d’une retraite sur une montagne au Nord de Kyoto. Le site de Kurama étant administré par cette dernière école, il convient donc maintenant de traiter enfin du Tendaï.

En effet, les influences d’un lieu spirituel peuvent avoir un effet sur un méditant :
- soit du fait de la fonction du lieu dans la géographie sacrée collective (ici celle du Japon) ;
- soit du fait de que les doctrines traditionnelles désignent, comme par exemple dans le Bouddhisme, par « accumulation de mérites ».

Le terme est rendu ici par le sanscrit « karma ». Il ne s’agit pas exactement de que les Occidentaux désignent comme tel, c’est à dire des fautes commises par le passé et dont les fruits viendraient à maturité.

Ce qui est visé ici est l’action rituelle, action qui reprend le processus par lequel le monde se manifeste. Cette action de remémoration du processus de cosmogenèse dans un rite s’appuie sur ce que le Bouddha nomme « dharma », la Loi. Nous renvoyons ici à ce que nous avons indiqué sur la charpente du cosmos. Ce rite exerce une influence certaine sur les lieux où il est pratiqué et sur les personnes qui y assistent. Nous le traduisons en français par le mot « charme », qui dérive de la même racine indo-européenne que « karma ».

On peut donc formuler l’hypothèse que, sur le mont Kurama, Mikao Usui ait bénéficié du charme du lieu, c’est à dire d’un transfert des mérites accumulés lors des rituels. Soit son mérite personnel de méditant, soit celui généré sur le site de Kurama depuis des siècles.

Une telle hypothèse peut faire sourire en Occident. Pour autant, elle s’appuie sur la connaissance de mécanismes subtils. Cette  science est bien présente dans le Chamanisme, où l’on guérit par la remémoration du processus de cosmosgenèse avant de pratiquer l’exorcisme ou/et la médication. C’est d’ailleurs cet objectif d’influence subtile qui guide les rites religieux dans toutes les traditions, dans des lieux dont la plupart sont bâtis sur des points caractéristiques du géomagnétisme de notre planète. La liturgie, les chants, le lieu, les gestes et tous les éléments de la mise en scène visent à obtenir un effet subtil complémentaire sur l’assistance.

La preuve en est que lorsque nous pénétrons dans un sanctuaire, nous ressentons imméditament un changement sur notre état mental ou émotionnel. Se pourrait-il que le site de Kurama ait tout simplement influencé Mikao Usui, le lieu étant dédié de longue date à la réalisation spirituelle et notamment dans sa famille ? Il est donc intéressant de regarder de plus près ce qui s’y passe, au travers de la doctrine de l’école qui en a la garde. De là, nous pourrons confirmer ou infirmer la possible influence du Bouddhisme Tendaï sur le Reiki.
 
Origine et histoire du Tendaï.

L’école Tendaï a été fondée par le moine Saichô (767-822), qui s’était rendu en Chine en 804 pendant une année et qui en rapporta les doctrines et les pratiques. La nouvelle religion acquit une pleine indépendance en 822. L’Enryaku-ji, son quartier général, fut consacré sur le mont Hiei au Nord-Est de Kyôto.

Saichô n’a pas inventé cette forme de Bouddhisme. Il avait reçu des initiations de Kukaï, autre grand religieux de l’époque et fondateur du Shingon. Il souhaitait intégrer, dans le Tendaï, le Mikkyô (密教), l’ésotérisme traitant des aspects subtils de l’être. Face au refus de ce dernier de lui transmettre certains textes, les relations entre les deux hommes s’interrompirent.

Par la suite, Ennin (794-864), disciple de Saichô, et Enchin (814-891), disciple de son successeur Gishin (781-833), se rendirent en Chine à leur tour et développèrent un courant ésotérique propre au Tendaï, le « Taîmitsu » (distinct de l'ésotérisme de Shingon, le « Tomitsu »).

Les deux lignées du Tendaï finirent par entrer en conflit, ce qui aboutit à une scission en 993 :
- l’Ecole de la Montagne, un courant conservateur, resta au mont Hiei.
- l’Ecole du Temple, plus influencée par le Tantrisme, est basée à l’Onjô-ji au pied du mont Hiei (dans la ville d’Otsu) et le temple impérial Shogoin de l’école Honzan Shugen-shû à Kyoto.

Les deux lignées accentuèrent leurs traits ésotériques, se consacrant aux liturgies tantriques et aux rituels ; tout en restant en étroite relation avec l’aristocratie et la cour. Dès la fin de la période Heian, des religieux issus de cette école, mécontents de ce rapprochement entre l’aristocratie et la religion, se lancèrent dans de nouveaux mouvements religieux qui se développeront pleinement dans le Bouddhisme réformé de l'époque de Kamakura : Genshin, Shinran, Eisai, Dôgen et Nichiren sont tous passés par le mont Hiei, L’école Tendai peut donc être considérée comme le berceau du Bouddhisme nippon.

Inquiet de la puissance politique et militaire de ces moines guerriers, le général Oda Nobunaga rase, en 1571, le complexe de temple du mont Hiei, l’Enryakuji. Pourtant, à l'époque d’Edo, les liens du Tendai-shû et du pouvoir s’accrurent encore avec les personnalités comme Tenkaï (1536-1643), patronné par Tokugawa Ieyasu, tandis que les membres de la famille impériale devenaient supérieurs généraux de l’école.

Le Tendaï existe encore de nos jours et demeure une des plus grande écoles du Bouddhisme au Japon. Il administre le site de Kurama, dans un joyeux syncrétisme mêlant Shintô, Bouddhisme, science moderne et témoignages artistiques. En ce sens, il constitue un reflet du Japon moderne, empruntant à toutes ces sources.

Nous avons fait remarquer au cours de nore étude que le mont Kurama est un lieu dédié aux moines-guerriers du Shugen-do, qui y poursuivent la recherche de pouvoirs surnaturels par l’ascèse. De plus, le culte bouddhiste, qui y est organisé de nos jours, est nettement orienté sur le Tantrisme. On trouve donc au lieu même où le Reiki fut découvert par Mikao Usui, une tradition de travail sur soi et un ensemble de pratiques du domaine de l’ésotérisme.

Le Reiki semble, de même, être en accord avec le site de Kurama, reprenant en son vocabulaire et des techniques des éléments du contexte nippon. La stèle de Saihoji est claire, Mikao Usui était un érudit et le Reiki est son héritage :
« L'histoire, les biographies de maîtres et d'hommes célèbres du passé, la théologie, le canon bouddhique, les techniques initiatiques et yogiques, l'exorcisme, la magie invocatoire chinoise, la psychologie et la physionomie, les sciences divinatoires et le Yi-Tching, etc … en fait, seule sa culture universelle et sa capacité à expérimenter lui-même les enseignements expliquent le fait qu'il ait pu obtenir la clef du Reiki Ho (abrégé Reiho). Tout le monde sera d'accord avec cette analyse ».

Dès lors, il est incontournable de faire connaissance avec la doctrine du Tendaï.
 
La doctrine du Tendaï et le Reiki.


L’école Tendai s’inscrit dans le Bouddhisme Mahayana ; c’est à dire qu’il va au-delà de la vie de modération des moines pour insister sur la compassion envers tous les êtres.

La vision du Mahayana (exprimée dans le Sūtra du Lotus ) implique que le Bouddha - et, donc, la boddhéïté - se trouvent en toute conscience humaine. Atteindre la révélation est à portée de tous sans exception : à condition de sublimer les passions et souffrances qui lient les hommes à la terre - et non pas les supprimer comme l’indiquent les règles monastiques du Bouddhisme ancien.

Cette vision est également prônée par le Shingon ; mais le Tendaï se différencie par l’observance du « Sûtra du filet de Brahma  » et une discipline ascétique plus rigoureuse (sublimation des passions). En outre, le Tendaï impose encore douze années de méditation particulière « Shikan » , d’études et d’ascèses sur le mont Hiei.

Mis à part le lien avec Kurama, il n’est pas aisé de mettre en évidence une source du Reiki dans le Tendaï. Il est vrai que la religion du Kurama-kokyo, qui est une des écoles du Tendaï, présente bien des éléments communs avec les idées du Reiki. Nous avons eu l’occasion d’en préciser certains points dans notre étude du site, où le Reiki fut découvert.

Par exemple, un petit sanctuaire doit être remarqué au coin nord-ouest du complexe de Kurama : « l’Akaï-gohô-Zenjin  ». Il est le cadre d’une rencontre entre un méditant et un couple de serpents venimeux. Le moine tua le mâle, tandis que la femelle se soumit, promettant de protéger la source jaillissant tout près. Cette légende est le fondement d’un rite effectué, le 20 juin de chaque année, par deux prêtres du Temple et qui consiste à couper une tige de bambou dans la longueur. Une des parties est jetée tandis que la seconde sert à canaliser l’eau.

Il s’agit selon les prêtres d’une allégorie des canaux subtils internes humains : masculin blanc lunaire droit (« Ida » ou « Lalana », la lécheuse en sanscrit) et féminin rouge solaire gauche (« Pingala » ou « Rasana », la goûteuse), qui encadrent le canal subtil central noir de la colonne vertébrale, qui doit être illuminé pour s’épanouir en auréole au-dessus du crâne du méditant. La mort du serpent mâle est un processus de « subversion, propre au Tantrisme, et consiste à inverser les polarités dans le corps pour produire une essence spirituelle en relation avec le cosmos et qui est appelée « eau de jouvence ».

Cet exercice de « solarisation » a pour effet de neutraliser les résidus sur le flot vital interne que les Japonais nomment « Ki », en rendant le corps subtil passif et réceptif des informations venues du Cosmos (ou « Rei »). On retrouve le même schéma dans le mythe grec d’Asclépios (romain, Esculape). Le caducée formé ne comprend alors qu’un seul serpent et est utilisé à des fins de guérison  ou d’oracle médical.

Ces considérations faites, il nous reste donc à observer le Reiki au travers de la doctrine bouddhique tantrique, en faisant abstraction de ses formes cultuelles. Nous aurons ainsi terminé notre survol des sources possibles de Mikao Usui et signalé les dangers susceptibles de désorienter le pratiquant en quête de sens sur la méthode. Ce travail nous aura occupé près de quinze années, et à titre parfaitement bénévole.


Dérives du Reiki Tendaï.

 

Dans l’entourage du Lama Yéshé / Richard Blackwell, on trouve deux autres auteurs d’impostures concernant le Reiki : Dave King et Chris Marsh. Ils ont été démasqués depuis le Japon par l’enseignant de Reiki Hiroshi Doï et en France par son étudiant, Yann le Quintrec[10], avec qui nous avons entretenu une longue et riche correspondance en 2007 et 2008. Ces deux compères présentent le Reiki dans la perspective du Bouddhisme Tendaï ; ce qui a fait leur succès et bien que l'on savait de longue date que Mikao Usui avait été missionnaire shintoïste, puis pratiquant du Zen ... mais rien n'indiquait un lien avec le Tendaï, mis à part une stèle familiale.

 

Le Usui Teate de Chris Marsh.

L’anglais Chris Marsh est accusé par des Japonais d’avoir inventé de toutes pièces une fausse lignée de Reiki. Son objectif aurait été de se donner une légitimité à enseigner lui permettant d’esquiver l’écueil que constitue la Usui Reiki Ryoho Gakkai.

Cette institution japonaise prétend s’inscrire dans la continuité directe de la clinique de Reiki de Mikao Usui à Tokyo. Elle n’est pas ouverte aux Occidentaux et, si l’on en croit ses règles, aucun enseignant de Reiki en Occident n’a de légitimité à se réclamer de la filiation directe de Mikao Usui. En effet, tous les enseignants d’Occident ont été formés dans la continuité du Dr Chujiro Hayashi, un ami de Mikao Usui, qui lui a succédé comme co-directeur de la clinique de Tokyo avant de faire scission avec la Gakkai.

Marsh prétend avoir rencontré onze personnes japonaises âgées, initiées par Mikao Usui de son vivant mais non-membres de la clinique. Neuf de ces onze personnes, dont Suzuki-san, la soit-disant nièce de Mikao Usui, sont inconnues de l’état civil nippon selon Yann le Quintrec, et n’ont donc pu être des religieux du Tendaï, comme le prétend Marsh et comme l’infirme également le registre de cette école bouddhiste.

Marsh n’a jamais enseigné au Japon, ses vues étaient tout à fait étrangères aux Nippons. On le suspecte de vouloir ainsi cacher qu’il s’agit d’une imposture. De nombreux termes qu’il emploie comme japonais sont également des barbarismes grossiers.

 

Le Usui-do de Dave King.

Le canadien Dave King fut un étudiant de Chrish Marsh. Ayant certainement conclu que l’imposture était lucrative, il inventa un nouveau personnage fictif : Tennô Inn, une religieuse nippone.

Son imposture relève d’une encore plus grande méconnaissance du Japon. Par exemple, le terme « Do », école, ne peut suivre l’indication du nom d’une personne selon les usages nippons. Le nom du Reiki à l’époque de Mikao Usui apparaissant sur les photos de l’époque contredit aussi ce fait. Une photo de 1926 indique : « Shinshin Kaizen Usui Reiki Ryoho » (心身改善臼井靈氣療法).

Le personnage de Yuji Onuki, qu’il a présente comme japonais puis coréen, semble un alias de bandes dessinées. Le système de Reiki qu’il enseigne s’apparente d’ailleurs clairement au « Reiki Vortex » de Mochizuki Toshitaka, dans la lignée des écoles de Reiki new-age de Californie. C’est à dire dans la continuité du faux Reiki tibétain, qui s'inspirait du Shingon.

 

 


 

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